Enfants et Adultes de la Troisième Culture
Ah l’expatriation ! Pourquoi ne pas s’installer au bord d’un océan azur, sous la mousson tropicale, en pleine brousse africaine ou encore à Tokyo, New-York, Singapour ou que sais-je ! Ça sent bon le dépaysement, l’enrichissement, la découverte… L’AVENTURE QUOI ! Beaucoup en rêvent et il devient aujourd’hui de plus en plus simple de mener à bien ce projet dans un monde qui ne cesse de s’ouvrir.
S’expatrier ou être expatrié, c’est :
Quitter volontairement sa patrie, partir en exil, quitter à regret un lieu dans lequel on aimait vivre.
Définition proposée par le Larousse
Quelle étrange définition !
Il est vrai que l’expatriation résulte le plus souvent d’un choix professionnel ou personnel marqué par la tristesse de laisser derrière soi ce qui nous est familier pour partir vers l’inconnu. Il s’agit de dire au revoir. S’il y en a pour lesquels l’expatriation n’est pas vraiment un choix ce sont les enfants qui se retrouvent à suivre leurs parents dans cet exil, qu’ils soient d’accord ou non.
Je suis moi-même une enfant d’expatriés, arrivée en Afrique âgée de moins d’un mois, et j’ai récemment découvert que les gens comme moi portent un nom bien spécifique : les ETC, autrement dit, les Enfants de la Troisième Culture.
Vivre expatrié, que l’on soit enfant ou adulte, est une situation qui apporte tellement de richesses et de joie ! Malgré tout, quelques difficultés peuvent border ce chemin. Comment en prendre conscience et s’adapter face aux défis à relever ?
Qui a l’habitude de voyager… sait qu’il arrive toujours un moment où il faut partir.
Paulo Coelho
Les enfants expatriés : Enfants de la Troisième Culture, ouvrage écrit par Cécile Gylbert paru aux Éditions du Net
Cécile Gylbert, mère de trois enfants et expatriée depuis des années, s’est plongée dans le concept d’ETC après l’observation de ses propres enfants et de ses propres difficultés quotidiennes de parent expatrié. Son ouvrage se veut une présentation détaillée, très bien documentée et facile à lire des enjeux de l’expatriation pour les enfants comme pour les parents qui la vivent.
Point mémo : la culture
La culture serait :
Ce tout complexe qui comprend la connaissance, la croyance, l’art, la morale, le droit, la coutume et toutes les autres capacités acquises par l’homme en tant que membre de la société.
Edward Tylor, Primitive culture (1871)
La culture permettrait à un individu d’être considéré comme un membre de son groupe ethnique, de sa nation, de sa civilisation par opposition à un autre groupe ou à une autre nation. Le partage de ces « capacités acquises » déterminent qui fait partie du groupe et qui lui est étranger.
Ainsi, lorsque l’on vous demande « d’où venez-vous ? », vous savez généralement quoi répondre en raison de la reconnaissance que vous ressentez d’appartenir à telle ou telle région de France par exemple (que nous sommes d’ailleurs prêts à défendre bec et ongles !).
L’équilibre culturel
C. Gylbert nous rappelle également que l’équilibre culturel, à savoir la maitrise consciente et inconsciente des capacités partagées par les individus d’une même culture, tient sur le trépied suivant :
- Premièrement : la sécurité, à savoir la connaissance des us et coutumes de la culture dans laquelle nous vivons, nous permet d’évoluer sans effort dans un environnement familier.
- Deuxièmement : la stabilité qui permet à un individu de se sentir profondément ancré dans sa culture qui lui est transmise par sa généalogie, par l’histoire de son pays et ses institutions (notamment l’école).
- Troisièmement : le sentiment d’appartenance qui découle de la reconnaissance comme membre de la communauté d’un individu par un groupe. L’appartenance est primordiale dans la construction de l’identité d’un individu, construction qui s’effectue au cours du développement de l’enfant.
C’est ici que les chose se compliquent pour les ETC. En effet, leur vie est souvent rythmée par les changements réguliers d’environnements accompagnés parfois d’un « choc culturel ». De plus, un vécu de la différence aussi bien culturelle que physique (parfois les deux), et l’attente d’un retour au pays peuvent donner naissance au sentiment d’être constamment de passage, « d’être de partout et de nulle part ». Être un étranger partout.
La question que je déteste le plus est « tu es d’où ? », quelle que soit la langue dans laquelle on me la pose. La plupart du temps, je réponds que je suis français même si je n’ai jamais vécu en France mais c’est là que je suis né, mes parents sont français et mon passeport aussi. Mais j’ai l’impression de mentir.
Témoignage de Matéo, extrait de l’ouvrage de C. Gylbert
… alors la troisième culture, késako ?
Définit dans les années 50 par le Dr. Ruth H. Unseem, sociologue et anthropologue américaine, la notion de troisième culture s’entend comme un mélange de sa culture d’origine (à comprendre celle qui figure sur son passeport, généralement partagée avec les parents) avec celle des différents pays d’accueil. Cela entrainerait, non pas une juxtaposition de ces cultures, mais bien la création originale d’une troisième culture qui puise sa source dans ces différentes identifications et qui sera personnelle d’un ETC à l’autre puisqu’elle variera en fonction de sa personnalité, de son histoire, de son éducation etc. Il ne se sentira pour autant appartenir à aucune d’entre elles.
C. Gylbert propose cette définition traduite de l’anglais :
Un Enfant de Troisième Culture (ETC) est une personne qui a passé une partie importante de ses années de croissance dans une culture autre que celle de ses parents. Elle développe des relations avec chacune de ces cultures et s’identifie dans une certaine mesure avec elles, mais elle ne se considère pourtant pas comme faisant intégralement partie d’elles. Même si différents éléments de chaque culture s’assimilent à son expérience et influencent son système de valeurs et son mode de vie, son sentiment d’appartenance va vers ceux qui ont un vécu semblable au sien.
D. C. Pollock The third culture kids, growing up among worlds
Ainsi, là où l’on demandera couramment « d’où viens-tu ? », un ETC demandera à un autre ETC « où as-tu vécu ? », ce qui aura beaucoup plus de sens pour lui.
Pour aller plus loin…
L’ouvrage de C. Gylbert présente un véritable petit guide de l’expatriation agrémenté de conseils donnés aux parents qui se sentiraient peut-être un peu perdus.
Une partie très intéressante est consacrée aux Adultes de la Troisième Culture (ATC). Ces anciens enfants expatriés font très souvent preuve de compétences précieuses et particulièrement appréciées dans le monde du travail.
Malgré tout, ils peuvent se confronter à la difficulté de se poser durablement quelque part, difficulté liée à une absence de « racines » qui les pousse à être sans cesse aux quatre coins de la planète. De même, la multitude de relations, pour la plupart superficielles, qu’ils auront liées dans les différents pays traversés peut les mener à entrer difficilement dans des relations plus profondes. Enfin, une certaine rancoeur, voire une colère, peut exister à l’encontre des parents. En effet, ceux-ci sont parfois tenus pour responsables de ce parcours atypique mais mal vécu et de « chagrins non résolus », pour citer C. Gylbert, qui laissent aujourd’hui place à un mal être inexpliqué.
Enfin, cet ouvrage fourmille de témoignages d’ETC et d’ATC qui illustrent avec une très grande justesse les problématiques évoquées.
Pour en savoir davantage sur l’ouvrage de Cécile Gylbert Enfants expatriés : les enfants de la troisième culture aux Éditions du Net
À lire et regarder si cela vous intéresse :
En anglais :
LIVRE : D. C. Pollock, R. E. Van Reken et M. V. Pollock The third culture kids, growing up among worlds
En français :
BLOG : « Pour les parents expatriés, et leurs heureux enfants », Heureux comme Ulysse
BLOG : Le site de l’expatriation en famille, Expats Parents