Jean-François Marmion est psychologue et rédacteur en chef du Cercle Psy. Il a récemment dirigé l’ouvrage « La psychologie de la connerie » qui a rencontré beaucoup de succès. Il a interviewé une centaine de psys, que l’on peut écouter en podcast sur son blog. Cela fait longtemps que je veux le rencontrer, car à travers ses différents projets, j’imagine quelqu’un d’entrepreneur, d’atypique et très ouvert d’esprit. Notre conversation ne fera que le confirmer.

Jean-François Marmion

Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre parcours ?


Mon parcours a été extrêmement varié, très hasardeux. Je n’ai jamais vraiment eu de plan de carrière, je me suis laissé porté au fil des circonstances. Et plus le temps passe, plus je m’installe dans ce lâcher-prise total où je ne calcule rien du tout. Parce que si je m’étais dit « je vais devenir journaliste, puis rédacteur en chef et je vais diriger un best-seller… » je n’y serai jamais arrivé ! Ce sont des occasions qui se sont présentées et je les ai saisies !

Si on est dans le calcul, la stratégie, cela ne fonctionne pas, en tout cas pour moi. Finalement je n’ai jamais voulu être journaliste, je n’ai jamais voulu être rédac’chef, mais ça ne se refuse pas.


Mais quand vous avez eu votre diplôme de psychologue en poche, vous aviez tout de même des envies ? des perspectives ?


À la base, je pensais travailler en tant que neuropsychologue quelques années dans un hôpital, puis ouvrir un cabinet. J’ai commencé les études de psychologie car je voulais devenir psychanalyste, je ne connaissais que cet aspect de la discipline. Puis j’ai découvert les neurosciences et j’ai trouvé cette approche bien plus appropriée pour moi. Puis, peu de temps avant d’être diplômé, une annonce du magazine Sciences Humaines est passée dans ma promo indiquant qu’ils cherchaient un journaliste spécialisé en psychologie. J’ai postulé en me disant que je n’avais aucune chance mais que je n’avais rien à perdre à envoyer mon CV. Et ils m’ont dit oui !


« Si on est dans le calcul, la stratégie, cela ne fonctionne pas. Finalement je n’ai jamais voulu être journaliste, je n’ai jamais voulu être rédac’chef, mais ça ne se refuse pas  »


Ensuite Jean-François Dortier, le fondateur de Sciences Humaines, à qui je dois énormément, m’a proposé de m’occuper d’un site web qui s’appellerait le Cercle Psy. C’était un site payant et je ne croyais pas au projet, à l’époque. Je ne voyais pas pourquoi les gens paieraient pour accéder à ce journal en ligne, alors qu’il y avait déjà de nombreux contenus accessibles gratuitement. Malgré cela, j’ai accepté mais à la condition d’être le seul maître à bord. J’ai pu créer les rubriques et utiliser le ton que je voulais. Et contre toute attente, le site a bien marché ! Deux ans plus tard, fort de ce succès, nous avons décliné le site en un magazine papier.


Votre personnalité doit également beaucoup transparaître dans ce magazine ! En quoi le Cercle Psy vous ressemble ?


Je pense que cela transparaît par l’éclectisme, la curiosité, le scepticisme et surtout l’humour que l’on retrouve dans la direction éditoriale, parce que sinon je m’ennuie vite. Par exemple, la nouvelle formule du Cercle Psy vient d’une envie de me renouveler, de ne pas tourner en rond et puis de relancer l’intérêt à la fois pour les journalistes et les lecteurs.


Pouvez-vous nous en dire plus sur la nouvelle formule du Cercle Psy ?


L’ancienne formule se centrait sur la découverte de la psychologie, discipline par discipline. La nouvelle formule est plus axée sur les problèmes contemporains. On traite les sujets de société au travers du prisme de la psychologie, les psys nous donnent leur éclairage et leur point de vue sur ces questions. Les thèmes tels que le féminisme, la sexualité des ados, la conscience écologique seront, par exemple, abordés…
Le premier numéro est sorti en mars 2019 et le deuxième va sortir début juin.


Qu’est-ce qui vous anime le plus dans votre métier ?


Le plaisir est ce qui est le plus important pour moi ! Cela m’amuse de me risquer à de nouvelles choses. Que ce soit comme un jeu, que je n’aie pas l’impression d’avoir un métier. Donc il faut que ça me plaise, tout simplement.


Vous menez de nombreux projets en parallèle : la direction de votre dernier ouvrage La psychologie de la connerie, la création de la nouvelle formule du Cercle Psy, des interviews passionnantes de psys en podcast…Vous êtes très créatif ! Quel est votre secret pour tant d’inspirations et toutes ces nouvelles idées ?


Mais on en a tous, de la créativité ! Le secret de la créativité, c’est d’avoir plein de mauvaises idées. Je ne me censure pas en ne cherchant que « la » bonne idée, je m’efforce au contraire d’en avoir plein. Tôt ou tard, une bonne se présente, et là je la saisis. J’adore avoir trop d’idées ! En plus j’aime bien les soumettre alors que je sais très bien que je ne pourrai pas tout faire. Mais là encore, LA meilleure idée finit par s’imposer.

Il y en a beaucoup qui se censurent. Ils se disent : « Non, ça, ce n’est pas assez bien ». Ils attendent l’idée géniale, le Saint Graal. Il ne faut pas attendre, il faut que ça fuse de partout, et on fait le tri après.


Comment fait-on le tri ?


Je pense qu’il y a un darwinisme des idées chez chacun de nous. C’est-à-dire qu’il y en a qui se détachent, qui survivent toutes seules, qui cannibalisent les autres. Certaines, sur la durée, gardent leur degré d’excitation alors que d’autres non.

Donc, je laisse les idées venir sans les censurer. J’essaie d’être fluide vis-à-vis de tout ce qui peut se présenter dans la vie. C’est comme un mouvement, comme une grande chorégraphie. Tu laisses les idées décanter, et il y a des moments où c’est mûr pour soi, mûr pour les autres. Et parfois on en met de côté qu’on ressort trois ans après.


« Il y a un darwinisme des idées »


Revenons sur une de vos idées lumineuses : La psychologie de la connerie. Comment avez-vous eu l’idée de ce livre ?


Je suis parti d’une lacune de la psychologie pour certains sujets qui nous concernent tous au quotidien. Il n’y a pas beaucoup d’ouvrages sur l’amour par exemple, encore moins sur l’amitié. Plein d’ouvrages paraissent sur l’intelligence depuis 150 ans et rien sur la connerie. Alors que ça nous plombe au quotidien, nous gâche la vie et nous terrifie lorsqu’on la décèle chez nous. Donc j’ai eu envie de faire le point de façon un peu transversale sur tous les sujets où pouvait se manifester la connerie et la définir, ce qui n’est pas une mince affaire. Pour autant, je ne prétends pas cerner le problème, ni être exhaustif, ce serait une connerie suprême ! Mais en toute humilité, permettre au lecteur d’y voir plus clair, grâce aux différents contributeurs qui ont débroussaillé et défriché ce sujet, en se retroussant les manches.


Le titre est accrocheur, je le trouve très amusant !


Oui ça paraît de prime abord assez drôle, voire jubilatoire, mais plus on avance dans le livre, plus on s’enfonce et on se dit que ce monde est sans issue. Et on se demande « et moi là dedans ? Jusqu’où va ma propre connerie ? ».


«  La connerie ça fait rire mais ça fait aussi pleurer »


Pour la direction de cet ouvrage, vous vous êtes donc entouré de grands noms de la psychologie, tels que Boris Cyrulnik, Antonio Damasio, Tobie Nathan, pour qu’ils écrivent sur la connerie. Comment cela s’est passé ?


Le diriger a été très agréable parce que nous avons vécu un état de grâce avec ce livre. J’avais l’impression qu’on était en train d’écrire quelque chose de très drôle, qui sortait de l’ordinaire. Ça crépitait d’idées, c’était vraiment très agréable.


Comment dirige-t-on concrètement un ouvrage comme celui-ci ? Comment avez-vous fait pour vous entourer de stars de la psychologie ?


Je travaille maintenant depuis une douzaine d’années à Sciences Humaines, et je suis rédacteur en chef du Cercle Psy depuis 10 ans, même avant que ce soit un magazine. J’ai donc la chance d’avoir un carnet d’adresse bien rempli. Sciences Humaines et le Cercle Psy sont connus dans le domaine, et respectés.

Or, si j’avais été un hurluberlu sorti de nulle part, on m’aurait peut-être dit « vous êtes gentil mais non merci, au revoir ». J’avais avec moi la notoriété et la légitimité de ces deux magazines de référence, j’ai donc été pris au sérieux.

Selon eux, le résultat allait être probablement un peu incongru et gentiment provocateur.

Et puis, je pense qu’ils étaient contents de traiter ce sujet-là. C’était une occasion d’écrire autre chose, qui sortait du format scientifique habituel hyper balisé, hyper codifié et formaté. Ils ont donc pu écrire des choses vécues, sérieuses et réfléchies mais sur un sujet complètement hors des sentiers académiques.


Vous avez été invité sur beaucoup de plateaux télé pour faire la promotion du livre ! Avez-vous aimé cet exercice ?



Clairement, je ne m’attendais pas à un tel succès. J’ai été beaucoup sollicité pour des interviews sur des plateaux télé. J’appréhendais cet exercice mais je me suis jeté à l’eau, même si cela n’a pas été simple. J’ai essayé de rester le plus spontané possible et ne pas tomber dans la facilité de camper un personnage et des postures attendues. Une expérience marrante à faire une fois, voilà !


Selon vous, qu’est-ce qui a fait le succès de votre ouvrage la psychologie de la connerie ?


Trente auteurs, dont certains très prestigieux, ont tous joué le jeu. Ça compte énormément. Et puis, le livre renvoie à toutes sortes d’émotions. La connerie ça fait rire mais ça fait aussi pleurer. Ça suscite la peur et aussi la colère.
Beaucoup de gens m’ont dit que ça leur faisait du bien car ils se sentaient cernés par la connerie. Ils se disent « Ça n’a jamais été à ce point-là, ça n’a jamais été pire ». Pour ma part je ne crois pas, mais disons qu’aujourd’hui elle n’a jamais été aussi voyante, à cause des médias et des réseaux sociaux !

Pour eux, ce livre est une réelle bouffée d’oxygène.


La psychologie de la connerie va-t-elle vous amener vers d’autres projets ?


Oui en effet, je travaille sur un volume 2 sur la connerie. Cette fois-ci, il ne sera pas question de psychologie mais plutôt d’Histoire. Il s’agira donc de la connerie vue sous un angle historique, dans différentes cultures, à différentes époques.


Pouvez me citer trois psys que vous avez rencontré et qui vous ont le plus marqué ou le plus inspiré ?


Pendant mes études, mon idole était Antonio Damasio. C’est l’un des deux qui m’a donné envie de faire de la Neuropsychologie. Et le fait qu’il contribue à psychologie de la connerie est tout à fait extraordinaire. Il parle un français excellent, appris dans Tintin. Donc, nous avons fait l’interview en français.

J’ai été très heureux aussi de rencontrer Michel Jouvet (Médecin neurophysiologiste, qui a découvert le sommeil paradoxal).

Et enfin François Roustang a été une très belle rencontre ! Je pense que nous nous sommes bien entendus parce que nous étions d’accord sur la vision de la psychologie. C’est-à-dire que si on accorde trop d’importance aux théories, à ce qui doit se faire ou ne pas se faire, on perd le contact avec le patient. Ce qu’il peut se passer avec le patient est souvent difficile à mettre en mots, à relier à une théorie. Parfois même, ça va à l’encontre de la théorie, ça se joue dans le corps et à l’instant présent. À ce moment-là, l’analyse, où il faut chercher les causes, devient souvent inutile. Lorsque le mental s’efface, tout peut se réorganiser comme des plaques tectoniques.


Vous qui avez ce parcours complètement original pour un psy, que diriez vous à un jeune diplômé qui ne se sent pas vraiment appartenir à la voie royale de la psycho ? Ou qui voudraient tenter autre chose ?


J’aimerais leur dire que tout est ouvert, tout est possible ! Il n’y a d’impasse que celle qu’on se construit. On ne risque rien à essayer, à oser. On a toute la vie pour changer de voie et expérimenter.


Le blog de Jean-François Marmion

La nouvelle formule du Cercle Psy

La psychologie de la connerie


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