Duel, BD de R. Farace

Le livre Agressivité, culpabilité et réparation de Donald W. Winnicott est un livre très complet sur les questions de l’agressivité et la destructivité chez l’humain. Pourquoi a-t-on cette pulsion inhérente à notre développement de détruire?

Dans le ventre de la mère, l’enfant commence à s’agiter en faisant de brusques mouvements, que la mère sent. Nous ne parlons pas encore de « coups » ou « d’agressivité » car à ce stade, le nourrisson ne sait pas encore pourquoi il agit ; ce sont d’abord des raisons motrices. (p.29) Progressivement après la naissance, animé en premier lieu par sa motricité, le jeune enfant découvre qu’il agit sur le monde et que ce dernier réagit.

L’agressivité naît à ce moment-là :

« Ces premiers coups de pied ou de poing amènent le nourrisson à découvrir le monde qui n’est pas son self et marquent le début de sa relation avec les objets externes. On nommera bientôt comportement agressif ce qui, au départ, est une simple impulsion le poussant à bouger et à explorer. Ainsi il y a toujours un lien entre l’agressivité et le moment où l’enfant distingue le self de ce qui n’est pas le self  » (p.30)

Nous avons tous en nous une pulsion agressive, de destructivité, rattachée à une pulsion de soin et d’amour, notamment pour les premiers objets d’amour que sont les figures d’attachement. Cette destructivité peut s’exprimer dans nos rêves, fantasmes, créations artistiques, dans le jeu chez l’enfant (mais aussi dans le jeu théâtral!).

Cependant, le nourrisson n’a pas les capacités à faire face à sa propre destructivité, il a besoin de faire l’expérience qu’elle peut être contenue par son environnement. Le jeune enfant aime sa mère au point de vouloir la dévorer. Il risque alors de la perdre, ce qui génère de l’angoisse. Cependant, lorsque l’environnement familial est présent et sécure, que la mère résiste aux attaques et aux fantasmes de destructivité et reste présente, l’enfant comprend tacitement qu’il aura bien l’occasion d’apporter quelque chose à sa mère, de donner, et donc de réparer. Le sentiment de culpabilité qui naît lui permet d’accepter inconsciemment d’être « méchant », « destructeur » car la possibilité de réparer derrière est possible.

« Lorsque s’est établie la confiance que ce cycle favorable se répétera et que des occasions se présenteront, la culpabilité relative aux pulsions instinctuelles se modifie à nouveau. C’est alors que nous avons besoin d’un terme plus positif comme celui de « sollicitude« . Le nourrisson est maintenant capable de se sentir impliqué, d’endosser la responsabilité de ses propres pulsions instinctuelles et des fonctions qui sont de leur ressort. Cela fournit l’un des éléments constructifs et fondamentaux du jeu et du travail. Toutefois, dans le processus d’évolution, c’est l’occasion de donner qui a permis que l’enfant soit capable de se sentir impliqué. » (p.48)

Dans son livre, D. W. Winnicott aborde le développement normal et également pathologique de l’enfant dans la construction de l’agressivité et de la culpabilité. Il parle également de la délinquance comme dans un premier temps le besoin d’aller chercher un cadre extérieur.

« Un comportement antisocial n’est parfois rien de plus qu’un S.O.S, le désir d’être maîtrisé par des personnes fermes, aimantes et en qui l’on puisse avoir confiance. (…) dans de nombreux cas le sens de la sécurité n’est pas venu assez tôt dans la vie de l’enfant pour s’incorporer à ce qu’il croit. Lorsqu’il est dirigé fermement, un enfant antisocial peut paraître aller bien, mais donnez-lui la liberté et il éprouve vite la menace de la folie. Alors il s’attaque à la société (sans savoir ce qu’il fait) afin de retrouver un contrôle de l’extérieur. » (p.72)

Référence : Winicott, D. W. (2004). Agressivité, culpabilité et réparation. Paris: Petite Bibliothèque Payot.