DEVENIR PSYCHOLOGUE EN PSYCHIATRIE
Mon parcours universitaire : De professeur des écoles à psychologue clinicienne en psychiatrie
Lorsque j’ai eu mon BAC, je ne suis pas allée en psychologie tout de suite. Mon projet professionnel à l’origine était de devenir professeure des écoles. Je m’intéressais à tout ce qui touchait à la psychologie mais comme beaucoup d’étudiants, on m’a découragé d’y aller car il n’y avait pas de débouchés. Je me suis donc inscrite en licence d’anglais avec une option science de l’éducation qui me permettait d’approcher mon projet. Très vite la fac d’anglais ne m’a pas convenu, je n’y arrivais pas, je n’arrivais pas à me projeter et je m’ennuyais. Ça reste tout de même une très bonne expérience qui m’a permis de rencontrer de belles personnes.
Après 2 ans d’errance dans cette filière, je me suis décidée à me réorienter et d’aller en psychologie. Rien n’est figé, cette expérience de réorientation a été déterminante pour moi, je n’ai pas eu l’impression d’avoir deux ans de retard, au contraire, cela m’a permis d’acquérir un peu plus de maturité et de recul pour aborder la psychologie et sa pratique. En parallèle de ma licence, je travaillais dans une école primaire en tant qu’agent d’étude surveillée. J’avais toujours un pied dans la sphère scolaire que j’avais toujours en tête. Puis, en 2e année de licence, nous avons dû interviewer un professionnel pour avoir une idée un peu plus précise du métier. J’ai eu la chance de pouvoir interviewer une psychologue en psychiatrie adulte avec mes camarades de groupe. Maintenant, quand j’y repense, je me dis que cette psychologue a tenu un discours plutôt réaliste sur sa profession et sa précarité; elle ne nous avait vraiment pas vendu son métier sur le moment. Mes camarades sont sorties découragées, moi je me suis dit «c’est ça que je veux faire!».
Mon projet professionnel a subi un virage à 360° et je me suis intéressée beaucoup plus à la sémiologie des troubles et à la psychiatrie de manière générale. A mesure que j’en apprenais, ma passion pour la psychiatrie grandissait.
Mes choix de stages
Il était évident que mon premier stage devait se faire en psychiatrie adulte. J’ai mis plusieurs mois à le trouver, je n’ai rien lâché, j’ai fait marcher mon réseau et j’ai fini par le trouver ! Mon projet de recherche autour des patients souffrant de trouble bipolaire est parti de mes observations de mon stage de licence 3. J’ai donc continué la psychiatrie en Master 1. Une expérience difficile (le suicide d’un patient souffrant de bipolarité) durant mon stage de Master 1 m’a fait prendre conscience du danger de la stigmatisation à propos des maladies mentales… Depuis ce jour, je n’hésite pas une seconde, lorsque j’en ai l’occasion, d’informer sur les pathologies psychiatriques et de contribuer à la dé-stigmatisation de celles-ci ; c’est aussi dans cette optique d’informer que j’ai créé mon blog. A ce stade, il était évident que mon projet était de travailler en psychiatrie adulte. Puis, en M2, j’ai postulé en pédopsychiatrie dans une unité de soins intensifs pour adolescents, afin d’avoir des connaissances sur une autre population au cas où. Durant cette année, tout mon projet a été remis en question. J’ai eu un véritable coup de foudre pour la prise en charge des adolescents en psychiatrie. Ne faire que de la psychiatrie a été un choix de ma part car j’avais un projet professionnel très précis en tête. Si c’est votre cas et que vous en avez l’occasion, foncez. Cependant, avoir l’opportunité de voir plusieurs populations et plusieurs lieux est également très riche pour votre pratique future.
Mon parcours en psychiatrie
Grâce à une amie de promo, j’ai pu avoir un poste à mi-temps assez rapidement sur une recherche clinique en psychiatrie auprès de patients souffrant de schizophrénie. Une fois que l’on a un pied dans l’institution, c’est un peu plus simple de s’y faire une place à temps plein. J’ai tout de même cherché durant 6 mois un autre mi-temps en pédopsychiatrie, mais sans succès.
Un mi-temps à l’unité fermée pour adulte s’est libéré et même si mon projet était de travailler auprès d’adolescents, je me suis lancée, je me suis dit que je gagnerai beaucoup en expérience et ce fut le cas. J’ai passé 6 mois dans cette unité qui prend en charge des patients qui nécessitent des soins intensifs. Puis le poste que j’ai actuellement dans l’unité pour jeunes adultes et périnatalité s’est libéré. Même si comme tout le monde j’avais très envie d’avoir le poste de mes rêves tout de suite, je me suis armée de patience et ça a payé. J’avais peur d’être cataloguée «psychiatrie adulte» alors que je voulais travailler avec des adolescents voire des enfants ; c’est une fausse idée, notre profession nous permet de pouvoir être plutôt mobile et de continuer à se former donc rien n’est figé. Aujourd’hui je me sens très épanouie dans cette unité.
Ma pratique en unité jeunes adultes et périnatalité
C’est une unité qui prend en charge les grands adolescents et les jeunes adultes de 15 à 25 ans mais également les femmes dans un contexte de périnatalité. J’ai la chance d’avoir une population variée au sein d’une même unité. Mon activité dans l’unité concerne principalement des entretiens individuels, un groupe de parole et une participation aux synthèses et aux entretiens familiaux. Avec les jeunes et les mamans, je peux être amenée à utiliser des médiations (jeux, dessins…) pour faciliter la prise de parole et favoriser l’alliance. Depuis quelques mois, j’ai pris un peu plus confiance dans ma pratique et je commence à créer mes propres outils que je personnalise en fonction des patients ; cela peut être par exemple des fiches pratiques pour mettre en place des activités qui font du bien lorsqu’ils ont envie de se scarifier ; ou des fiches qui permettent de relier une sensation corporelle à une émotion dans le cas d’alexithymie. Mon groupe de parole est très libre, j’utilise parfois la musique, un jeu de cartes à thème, le dixit ou des photos. Ce que j’apprécie, c’est que je suis assez libre dans les techniques que je peux utiliser avec les patients, l’équipe médicale ne m’impose rien et nous en discutons ensemble lors des synthèses. C’est pourquoi, pour moi qui ne suis pas du genre très affirmée, travailler en psychiatrie s’est révélé être un exercice géant d’affirmation de soi. C’est une unité qui fait également pas mal de lien avec l’extérieur, que cela soit les autres services comme la maternité, la néonatalogie ou des structures ambulatoires autour de la périnatalité, la scolarité et la prise en charge de l’adolescent ; c’est tout un réseau qui fonctionne ensemble autour des patients.
Le travail en équipe
Je ne pouvais pas parler de la place du psychologue en psychiatrie sans parler du travail d’équipe. Je suis la seule psychologue de l’unité. Mon rôle n’est pas toujours clair auprès des autres soignants présents dans l’unité (psychomotricien, infirmières, aides-soignants…) alors je n’hésite pas à leur expliquer en quoi consistent mes missions auprès des patients en leur faisant régulièrement des transmissions sur ce que je fais. A l’hôpital de manière générale, chacun a son rôle propre pour éviter les glissements de pratique et c’est important car chaque acteur du soin apporte quelque chose de différent au patient et nous sommes tous complémentaires ; cependant il peut arriver que l’on se marche un peu dessus parfois sans le vouloir, c’est important d’en discuter en synthèse pour remettre les choses au clair sur les missions de chacun. Pour finir, je dirai qu’avoir un parcours hospitalier me convient parfaitement, je suis passionnée par mon travail en psychiatrie. Passer par la case « hôpital » ou institution de manière générale me paraît très intéressant lorsque l’on sort des études de psychologie, on gagne énormément en expérience et même si notre fameux syndrome de l’imposteur peut pointer le bout de son nez à certains moments, nous sommes plutôt bien armés pour la suite de notre parcours.