Un Psy + un pays = une expérience par-delà les frontières. Cette fois-ci, nous allons en Roumanie à la rencontre de Violeta, psychologue et native de ce pays.


« […] sous le régime communiste, la faculté de psychologie était fermée.« 


L’objectif de ce tour du monde est de documenter et éclairer sur ce que peut être la pratique professionnelle de la psychologie ici et ailleurs. Si vous exercez dans un autre pays que la France métropolitaine, écrivez-moi ([email protected]) avec Psycogitatio nous nous ferons un plaisir de publier votre témoignage.


Notre psy


Je m’appelle Violeta, je suis une professionnelle passionnée. J’ai su dès l’âge de 16 ans que je voulais être psychologue, alors que je me rendais toutes les semaines en consultation. La thérapie m’a tellement attiré, que j’ai arrêté la fac de médecine pour faire psycho. A l’époque en 1993, cette discipline faisait ses premiers pas en Roumanie, car sous le régime communiste, la faculté de psychologie était fermée. Le régime ne souhaitait pas être contesté par des gens éveillés, capables de penser par eux même, autonomes et libres. La culture roumaine autour de la psychologie était pauvre. Dans un sens, j’étais en quelque sorte visionnaire… ou juste une adolescente rêveuse ordinaire.

La faculté a rouvert en 1990 après 13 ans de suspension d’activité. Les seuls professeurs que nous avions étaient ceux qui avaient enseigné de 1948 à 1977 et dont certains été formés par l’Ex Union Soviétique.


Son parcours de formation


D’abord, il a fallu entrer à la faculté de psychologie. La procédure d’admission était particulièrement difficile en 1996, car il n’était admis qu’un étudiant sur 17. On avait deux examens : psychologie et, anatomie humaine et physiologie. On devait littéralement apprendre deux livres par cœur et faire des corrélations logiques entre différents concepts psychologiques (ex : prouver l’importance des processus de penser dans la mémoire). Seuls les élèves qui avaient préparé ces examens avec des professeurs de la faculté ont réussi. Malheureusement à ce moment-là, je n’étais pas au courant de cette exigence de préparation informelle et j’ai raté mon examen… deux fois. Mais, je n’ai pas abandonné mon rêve d’enfant et je me suis inscrite dans une faculté privée. Cette fois, pour moi passer l’examen d’entrée a été du gâteau ! Après tout, je m’étais préparée à la compétition avec 16 autres candidats.


En 1997, vous pouviez avoir votre diplôme de psychologue en quatre ans. Aujourd’hui, avec la circulaire de Bologne, c’est cinq ans de fac. En 2001, après avoir obtenu mon diplôme de psychologue, je n’imaginais même pas travailler comme psychologue. Le marché du travail n’était pas du tout ouvert ! En plus, pour être psychothérapeute il fallait une formation supplémentaire. Comme je n’avais pas les ressources nécessaires pour d’autres formations, j’ai travaillé pour payer les factures, comme secrétaire.

C’est une expérience qui m’a énormément appris et qui a fait de moi une professionnelle disciplinée pour les futurs efforts de carrière que j’allais devoir faire. Et comme j’ai toujours vu la vie de manière pragmatique, à un moment donné je me suis souvenue qu’en deuxième année de fac, nous avions étudié la psychologie du travail. En voyant la vague des multinationales qui avaient choisi d’investir en Roumanie, j’ai envisagé plus sérieusement à exercer dans les ressources humaines. Et j’ai fait un master en ressources humaines.

 

Un psy + un pays = une alchimie


En 2006, pleine d’enthousiasme et de bonne volonté, j’ai intégré une entreprise de chasseur de tête. Le moins que l’on puisse dire c’est que mes valeurs orthodoxes ont été chamboulées ! L’usage d’internet n’était développé à cette époque, et il a fallu que j’obtienne l’essentiel des informations… en passant des coups de fil. C’est la partie que j’ai le plus détestée ! Néanmoins, cet inconvénient a été contrebalancé par le plaisir et l’opportunité de pouvoir être en contact avec des professionnels intéressants, de haut calibre et de tous horizons. Cette expérience m’a quand même bien enrichie et a ajouté un élément précieux à ma carrière.

En 2011, les étoiles se sont alignées et je me suis souvenue de mes rêves d’adolescente, que j’avais presque oublié au milieu du recrutement et de l’éducation de mes jeunes enfants.

J’ai donc intégré une formation de psychothérapeute dans l’association roumaine de thérapies brèves. Cette partie de ma formation a été très excitante et enrichissante grâce à ses jeunes professeurs enthousiastes et engagés (les premiers diplômés post communisme de la fac de psycho de Roumanie).

Cela n’a pas été facile pour moi, juste après cette formation, de croire pleinement en mes nouvelles compétences en matière de psychothérapie et dans les perspectives professionnelles potentielles. Du coup j’ai continué mon ancienne carrière de chasseur de tête mais cette fois en freelance. Pour avoir la légitimité nécessaire dans le recrutement, j’ai postulé au Collège des psychologues de Roumanie (RCP) pour faire reconnaître cette deuxième spécialisation, la psychologie du travail. Le RCP comprend 6 commissions : psychologie clinique et psychothérapie; psychologie du travail, des transports et des services; psychologie scolaire et orientation scolaire et professionnelle; psychologie de la défense, de l’ordre public et de la sécurité nationale; méthodologie et, déontologie et discipline.


Aujourd’hui, j’ai mon propre cabinet et mes clients viennent de recommandations et d’internet. Je m’efforce de fournir un conseil efficace pour les soutenir face à ce que la vie leur réserve et tirer le meilleur d’eux même en les aidant à trouver les ressources intérieures nécessaires pour profiter de ce beau cadeau qui est la vie. Je n’ai jamais cessé d’apprendre sur différentes approches et thérapies : thérapie systémiques (constellations familiales), prise en charge des traumatismes, thérapie stratégique et j’ai aussi entamé une formation en psychanalyse. Etudier plusieurs approches m’a permis de trouver mon propre style, en accord avec ma personnalité. Jour après jour, en me créant un profil professionnel en ligne, en résolvant des cas complexes en thérapie, j’ai consolidé ma confiance en tant que thérapeute. Bientôt, j’espère me consacrer uniquement à ma carrière de psychothérapeute, et laisser le recrutement derrière moi.


Les choses à savoir pour travailler en tant que psy en Roumanie



La formation pour devenir psychologue en Roumanie comprend une formation initiale et une formation continue (formations, conférences, ateliers, etc.). La formation initiale s’appuie sur :

  • des enseignements universitaires en psychologie, pour la psychothérapie il y a également des cours de médecine, sciences éducatives, travail social, philosophie et théologie
  • un Master en conseil de santé mentale ou psychothérapie à l’université et/ou programme de formation en conseil de santé mentale ou psychothérapie donnés par des associations professionnelles.
  • et une supervision

La Roumanie a également créé un cadre légal autour de la pratique psychothérapeutique basée sur la déclaration de Strasbourg sur la psychothérapie de 1990 et le Certificat Européen de Psychothérapie (CEP) qui reconnait la psychothérapie en tant que profession indépendante. Habituellement, un psychothérapeute roumain prend entre 20 et 80 euros pour une consultation d’une heure.

La profession est encadrée par le Collège Roumain des Psychologues (RCP). Depuis 2004, il réglemente, certifie et coordonne le programme des qualifications professionnelles des psychologues. En Roumanie, il existe ainsi trois niveaux d’expertise du métier :

  1. Le psychologue supervisé est le premier niveau d’expérience qui demande : 1800 heures de cours + 500 heures de formation théorique et pratique dans une école psychothérapeutique (à faire pendant le master ou dans une association professionnelle) + un minimum de 150 heures de supervision (ce qui correspond à la formation initiale).
  2. Le psychologue-psychothérapeute constitue le deuxième niveau. Il requiert une certification professionnelle issue d’une association professionnelle reconnue par le Collège, un minimum de 5 ans de pratique en psychothérapie et 25 crédits de formation résultant de la participation à des cours, ateliers, conférences, publications.
  3. Le psychologue-psychothérapeute superviseur, qui est le dernier niveau, demande : une certification professionnelle en tant que psychothérapeute-superviseur émanant d’une association professionnelle reconnue par le Collège. On l’obtient après 24 heures d’études théoriques ou pratiques dans le domaine de la supervision, et 50 heures de supervision avec un superviseur certifié + 50 crédits de formation continue (acquis par des cours, ateliers, conférences et publications).

Les roumains sont de plus en plus informés des services offerts par la psychologie et les psychologues. Ils sont prêts à confier leurs peines et leurs lacunes, en espérant pouvoir mieux appréhender la vie. Mes patients sont profonds et sensibles, très ouverts et étonnements créatifs pour trouver leurs propres solutions. Je ne peux pas faire de comparaison avec d’autres nationalités car je n’en ai qu’une faible expérience (en dehors des roumains, je n’ai suivi jusqu’à présent que des patients anglais et japonais). A priori des efforts sont faits pour faciliter l’expatriation des psychologues et le travail dans d’autres pays de l’union européenne.


Et la langue roumaine dans tout cela !?


Le discours thérapeutique et la compréhension demandent une bonne appréhension des subtilités de la langue. Je pense que l’usage de la langue natale du client dans le traitement est plus efficace. Toutefois selon la nationalité, le roumain peut être plus ou moins facile à apprendre. Les espagnols, portugais, italiens et français peuvent théoriquement apprendre le roumain assez facilement car nous avons un vocabulaire commun. Malgré cela quelques subtilités grammaticales restent assez compliquées, même pour les roumains ! 


Le pays de Violeta vous inspire ?


Liens utiles :

Collège roumain des psychologues, RCP : https://www.alegericpr.ro

Déclaration de Strasbourg sur la psychothérapie de 1990 :  https://www.cairn.info/revue-journal-francais-de-psychiatrie-2004-1-page-5.htm

Certificat Européen de Psychothérapie (CEP) : http://www.ff2p.fr/fichiers_site/documentation/dossiers/cep.html

Association Européenne pour la Psychothérapie (EAP) :https://www.europsyche.org/



Retrouvez les pays que nous avons déjà parcourus :


Photos fournies par Violeta & Pixabay. Cet article est la traduction française de l’interview de Violeta en anglais, consultable ici.