Qui n’a jamais eu envie de vivre LA grande aventure? Tout plaquer, sortir de sa zone de confort, devenir bilingue en anglais, fouler des terres encore sauvages, Amandine l’a fait. Elle nous raconte son parcours et nous donne des pistes pour réaliser notre rêve.


L’interview



– Bonjour Amandine, peux-tu te présenter succinctement? Depuis quand es-tu diplômée? Quels stages as-tu fait? As-tu une spécialisation?

Bonjour Cyrielle. Je suis originaire d’Alsace. J’ai commencé mes études à l’EPP Lyon en 2009 et donc eu mon diplôme de psychologue clinicienne depuis 2014. J’ai toujours été fascinée par la psychopathologie et ce qu’Arnold Mindell décrit comme « city shadow« , c’est à dire cette partie de notre société qu’on ne veut pas voir ou qu’on essaie de cacher. Looking back, je dirais que j’ai toujours été intéressée par ces coins sombres où peu de gens s’aventurent.

J’ai donc réalisé la plupart de mes stages en milieu clinique (i.e. unité de soins palliatifs, hôpital de jour ainsi que la Maison d’Accueil Psychothérapique à Lyon). Ma seule interaction avec le milieu de la délinquance fut quand j’ai eu une opportunité de stage d’été dans une association à Londres. Et encore, je n’étais pas directement en contact avec des personnes impliquées dans des activités criminelles car j’étais uniquement chargée de recherche.


– Comment en es-tu arrivée à travailler en Nouvelle Zélande ?

Mon âme d’aventurière et le manque d’opportunités professionnelles pour psychologues en France m’ont poussés à considérer de nouveaux horizons. Pendant mes études, j’ai donc contacté des anciennes de l’EPP qui se sont établies dans différents pays anglophones. Parmi elles, il y avait Florie, établie comme psychologue en milieu carcéral à Hawkes Bay en Nouvelle-Zélande… Je me suis sentie attirée par la qualité de vie qu’elle m’a décrite et par son travail. Ainsi, je me suis décidée à suivre ses pas.


– Comment s’est passé l’intégration là bas en tant que Française ?

Je suis partie pour la Nouvelle-Zélande après la remise des diplômes, sous un visa travail-vacances. Au début, j’ai trouvé l’intégration plutôt facile car travailler dans la restauration à Wellington, la capitale, m’a permis de rencontrer beaucoup de jeunes d’un peu partout dans le monde. Cela dit, la plupart d’entre eux ne restaient que temporairement. De fait, il a été laborieux de créer un réseau social stable et durable ! La Nouvelle-Zélande n’a que cinq millions de personnes alors les villes sont en général bien petites ! De ce fait, quand j’ai déménagé à Hawkes Bay et ai commencé à travailler en tant que psychologue, former un réseau social a été très difficile. Les Néo-Zélandais, bien que très accueillants, ont tendance à avoir des amis de longues dates et j’ai trouvé difficile d’intégrer leur groupe d’amis.

Ma vie sociale après 4 ans (deux ans à Wellington et deux ans à Hawke’s bay) n’est pas trop mal. Je garde de très bons amis à Wellington, certains kiwi et certains étrangers qui se sont installés durablement. Les activités (danse, rugby) m’ont permis de créer un réseau social à Hawke’s Bay composé en personnes qui ont entre 25 et 60ans :-). Après il me semble que c’est assez facile de connecter avec des Français. Il y en a toujours qui font des macarons, du chocolat, du pain!


– Que fais tu exactement là bas? Quelles y sont tes missions?

Alors ici en tant que psychologue pour le « Department of Corrections », on ne prend pas en charge la santé mentale mais on se concentre sur la notion de risque de récidive et quels sont les facteurs qui contribuent à ce risque. On travaille avec une population à haut risque de récidive sur un versant violent ou sexuel.

On fait deux choses : des évaluations et des thérapies.

Quand tu fais une évaluation du risque, tu rencontres la personne pour discuter de son enfance, son parcours dans la délinquance, sa relation à l’alcool et aux drogues, etc. En gros tu cherches à comprendre qu’est ce qu’il s’est passé dans sa vie pour qu’il (ou elle) en arrive là. À partir ces données, tu identifies les « besoins de traitement ». Plus spécifiquement, ce qui doit être différent pour limiter le risque de récidive. Est-ce qu’il a des croyances qui sous-tendent cette violence ou des pensées déformées qui sous-tendent le viol ou l’abus sexuel d’enfants? Est-ce qu’il est vachement impulsif, etc.? Du coup, l’évaluation guide ton plan de thérapie.


– Notes tu des différences culturelles marquantes?

Alors oui, rien qu’au sein de la Nouvelle-Zélande il y a de fortes différences culturelles.

La Nouvelle Zélande (ou Aotearoa) a été colonisée par les polynésiens, aujourd’hui appelés Maori, avant que les explorateurs de Grande Bretagne découvrent et colonisent le pays. Les Maori ont leur propre culture et langage, que le pays essaie de préserver. Si les personnes pouvant parler couramment Maori se font rares, beaucoup de mots Maori sont couramment utilisés en anglais, comme whanau (famille) ou tamariki (enfants). C’est donc utile de connaître ces mots quand on travaille avec une population Maori.

Les Maori représentent environ 15% de la population néo-zélandaise mais environ 50% de la population en prison. Cela est surtout dû à la prévalence de violence domestique mais aussi à la présence de gangs. Beaucoup d’enfants grandissent dans un milieu très antisocial où crime et violence sont normaux…


– Pourquoi aimes-tu travailler là bas?

Le travail est plutôt intense et travailler avec cette population représente un challenge, mais entre collègues, on se soutient les uns les autres. On a un superviseur et on se réunit régulièrement pour le déjeuner ou juste pour discuter de notre pratique ou nos difficultés en groupe. Le Département offre aussi de bonnes opportunités de formations.

Travailler ici m’offre également un cadre de vie que j’adore. J’ai l’impression d’être toujours en vacances mais sans la très forte présence de touristes !


– Quelles sont les choses à savoir, si comme toi, on voudrait aller travailler là bas?

La Nouvelle-Zélande a besoin de psychologues mais le pays ne rend pas la tâche facile, que ce soit au niveau de l’Immigration ou de l’Ordre des Psychologues. Il faut vraiment y croire et parfois taper du pied !

L’anglais est obligatoire. Pour l’équivalence de diplôme, il faut passer l’IELTS avec une moyenne de 7.5 avec un minimum de 7 dans chaque catégorie. L’ordre des psys aussi demande un minimum de 1500 heures de stage supervisées pendant les études et il n’est pas prêt à négocier même si tu as de l’expérience professionnelle.

C’est également plus facile de trouver un emploi si tu as déjà au moins deux ans d’expérience (hors stage) en tant que psychologue.


– Comment as-tu appris l’anglais? Étais-tu bilingue avant la Nouvelle-Zélande?

Je me débrouillais en anglais avant de partir car j’essayais de lire pas mal d’articles en anglais aussi, mais je n’étais pas du tout fluent en arrivant. J ai passé deux ans à travailler dans un restaurant, ce qui m’a permis de bien progresser. J’ai aussi pris des cours spéciaux pour l’IELTS. Cela dit, en commençant mon travail de psychologue, c’était un nouveau langage que je devais apprendre à cause du jargon utilisé dans le milieu!


– Quel est le salaire moyen d’un psychologue là bas?

Le salaire dépend du lieu où tu travaille, mais aussi de ton expérience. Si tu commences en tant que jeune diplômé, ton salaire sera sûrement autour de 40/45.000 euros brut par an pour un temps complet à 40h/semaine.


– As-tu des liens internet/lectures/vidéos qui pourraient être utiles?

« Once were warriors » (1994) est un film dramatique qui montre une famille en Nouvelle-Zélande où l’environnement est caractérisé par l’alcool, la violence, les abus… Forcément ce n’est pas comme ça dans toutes les familles mais c’est souvent dans ce genre d’environnement dans lequel la population carcérale a grandi.

The Psychology of Criminal Conduct est le livre de base pour les psychologues qui travaillent dans ce milieu ici !

Le site de l’Ordre des Psychologues en Nouvelle-Zélande vous sera utile.

Sinon, juste lire et écrire un maximum en anglais ! Beaucoup de thèmes sont présents et peuvent se croiser avec le comportement criminel: trauma, substance use, traumatic brain injury, etc.