Être psy en Allemagne
UN PSY + UN PAYS = UNE EXPÉRIENCE PAR DELÀ LES FRONTIÈRES
Cette année Psycogitatio parcourt le globe à la rencontre de psychologues. Aujourd’hui Adeline, psychologue en Allemagne, nous partage son expérience. Son portrait inaugure officiellement notre série de témoignages de psy autour du monde.
A travers ces récits nous souhaitons documenter et éclairer sur ce que peut être la pratique professionnelle de la psychologie ici et ailleurs.
Vous exercez vous-même dans un pays autre que la France métropolitaine, écrivez-moi à [email protected], nous nous ferons une joie de publier votre témoignage.
Notre psy
Je m’appelle Adeline Bachelet, je suis française (originaire du Pas de Calais/Arras), expatriée en Allemagne depuis 4 ans.
Je suis arrivée en Allemagne pour saisir une opportunité professionnelle : un poste de psychologue auprès de la communauté francophone d’Hambourg, suite à un remplacement de congé maternité.
Ayant déjà une expérience en Erasmus dans le sud de l’Allemagne (Bavière), une connaissance correcte de la langue et l’envie de vivre l’expatriation, j’ai donc sauté sur l’occasion. De plus, ce poste me permettait de vivre une expérience riche, impliquant la gestion d’un cabinet privé et des pathologies variées.
A la fin de mon contrat j’ai décidé de rejoindre mon compagnon (français également) à Düsseldorf (capitale de la Rhénanie). Après une année difficile à Düsseldorf j’ai décidé de me mettre à mon compte et de créer Coach&moi. Cette aventure a démarré il y a 1 an et a été bien accueillie par la communauté francophone présente ici.
Son parcours de formation
Je suis psychologue clinicienne de la santé, j’ai effectué un Master spécialisé en psychopathologie et clinique de la santé à l’université Charles de Gaulle de Lille 3 (Nord/France). L’avantage de ce master est qu’il est autant clinique qu’universitaire, ce qui me permet d’avoir la double casquette de chercheuse et clinicienne. De plus l’approche enseignée est intégrative, ainsi j’utilise des outils issus des approches psycho-dynamique, comportementale et systémique.
J’ai eu la chance d’effectuer lors de mon cursus (en 5 ans) des stages variés en :
- centre médico-psychologique avec des adultes
- psychiatrie de liaison sur différents services
- diabétologie avec des groupes de paroles dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique
- soins palliatifs
- et des stages recherches sur différents centres hospitaliers proposant de l’éducation thérapeutique, centrés sur le vécu des soignants.
Mon activité à Hambourg m’a également permis de travailler avec des enfants en bas âge et des couples.
Depuis je continue cette activité à mon compte et me forme dans le cadre de la formation continue. L’année dernière avec une formation en soins palliatifs (en Allemand) et cette année avec une formation en thérapie de l’acceptation et de l’engagement (ACT) en français.
Son intégration allemande
L’intégration a été difficile à différents moments. Les premiers mois à Hambourg ont été rudes. Partir dans un pays pour y voyager, faire le plein d’expériences et de rencontres, dans un cadre sécurisant (Erasmus/étudiants) est très différent d’une expatriation seule dans un cadre professionnel.
Je pensais suite à ma première expérience me faire des amis très rapidement or le fait de travailler avec des Francophones, et avec des horaires particuliers (jusque 21h30) a rendu les choses assez compliquées : difficile de me rapprocher des français et de rencontrer des allemands/expatriés. De plus la gestion d’un nombre important de patients et du cabinet à la sortie de mes études a également été assez lourd au niveau psychologique. J’ai eu la chance de bénéficier d’une supervision pour faire face à tout cela.
La deuxième phase difficile a été mon déménagement à Düsseldorf. Je me suis retrouvée dans un premier temps au chômage puis 3 mois après mon arrivée j’ai eu des soucis de santé me mettant en danger financièrement et physiquement.
Peu épaulée par l’administration équivalente à Pôle Emploi (Arbeitsagentur) qui me proposait uniquement des jobs en ventes ou en entreprise, j’ai donc doucement pensé à me mettre à mon compte. Entre temps j’ai décidé d’accepter des boulots en vente afin de me permettre d’améliorer mon allemand et surtout de me constituer un réseau social.
Un psy + un pays = une alchimie
En tant que psychologue et lebensberaterin (littéralement conseiller de vie), je propose un accompagnement psychologique aux francophones de Düsseldorf et ses environs. Je travaille en libéral, la plupart du temps dans ma langue natale, le français. Je reçois principalement des adultes et des couples, bien que la demande soit aussi très forte pour les enfants et adolescents.
Je suis également bénévole en soins palliatifs à domicile, c’est-à-dire que j’accompagne des personnes et leur entourage directement chez eux, où lors de leurs hospitalisations afin de leur offrir une partie du support dont ils/elles ont besoin. Je travaille en Allemand, j’ai un contrat avec une association (Hospizverein) dans laquelle j’ai effectué une formation d’un an.
L’Allemagne et la France sont des pays voisins mais déjà très différents au niveau du système de soin. La France est très centrée sur la prévention et l’accès aux soins pour tous tandis que les soins en Allemagne sont moins accessibles et pensés plutôt dans la nécessité/l’urgence que la prévention.
Dans ma pratique libérale je travaille principalement avec des expat’ et je trouve cela très enrichissant, tous ont des parcours différents et je trouve que le travail que nous faisons ensemble m’apporte autant qu’à eux.
De plus l’Allemagne est un pays qui offre une belle qualité de vie, les villes sont propres, sécures et il y a énormément d’espace verts. Nous sommes en Europe, proche de la France et de la Belgique, l’accès aux formations est de ce fait assez facile. De plus il y a beaucoup d’expatriés francophones et un gros besoin de thérapeutes/psychologues/médecins parlant le français.
Bon à savoir pour travailler en Allemagne en tant que psy
Les études de psychologie en Allemagne sont très longues et difficiles, elles dépendent également des lois en vigueur dans le Bundesland (région) où vous vous trouvez. Ces lois peuvent être différentes d’une région à l’autre.
A la fin du bac (Abitur) les jeunes allemands obtiennent une note allant de 1 (la meilleure) à 6 (la moins bonne). Les places en psychologie sont accessibles à partir d’une note de 1: 1, la sélection est donc très dure.
Le titre de « psychologue » est attribué à la fin d’un master (5 ans) mais ne permet pas de pratiquer la psychothérapie. En tant que psychologue/conseiller psychologique, vous trouverez uniquement des postes en entreprise, en recrutement ou dans quelques rares associations. En soi pas grand-chose pour ceux qui comme moi, sont cliniciens.
Pour exercer la thérapie et obtenir le titre de « Psychotherapeut » (en allemand), il vous faudra effectuer 3 années supplémentaires de formation très onéreuse (~20 000 euros) en vous spécialisant soit en psychanalyse, soit en thérapie cognitivo-comportementale, soit avec les enfants et adolescents. Ce titre vous permettra de travailler en structures hospitalières, cliniques, associations, etc. Vous pourrez espérer un salaire compris entre 3000 et 6000 euros.
Une autre option, et surement la plus atteignable pour les expatriés, est de passer le concours de « Heilpraktiker für Psychotherapie » (en allemand), vous ne pourrez pas le passer avant d’avoir 25 ans, comptez environ une année d’attente pour y accéder, il vous coutera environ ~500 euros et vous permettra de vous installer en privé, d’être éventuellement remboursé par certaines mutuelles, par contre vous ne pourrez pas exercer en structures publiques. Votre salaire dépendra de votre clientèle, sachez que le prix moyen d’une consultation en Allemagne est de 80 euros les 45-50 minutes.
S’établir en libéral (Freiberufler) en Allemagne est assez facile quand vous savez où chercher. Il vous faudra constituer un dossier pour obtenir un numéro de taxe (Steurnummer) à demander au centre des impositions (Finanzamt). Ensuite vous devrez vous renseigner en fonction de votre statut sur vos obligations (la sécurité de votre local, les taxes, etc). Attention, l’assurance santé est très onéreuse en Allemagne et il vous ait vivement recommandé de faire appel à un conseiller fiscal (Steuerberater) pour vous aider dans ces démarches.
En dernier recours, si vous ne parlez pas allemand et/ou si vous devez rester peu de temps dans le pays, vous pouvez vous déclarer en tant que Lebensberater, donc comme conseiller de vie. Ce métier n’étant actuellement pas protégé vous serez libre de votre pratique, il sera juste plus difficile de trouver vos clients.
Et la langue allemande dans tout cela ?!
Si vous devez rester dans le pays pour une longue période, je vous recommande vivement de reprendre des études et d’apprendre la langue du pays, cela vous facilitera grandement la vie.
Pour vivre au quotidien en Allemagne, savoir parler l’Allemand est préférable et vous permettra une intégration durable tant sur le plan professionnel que personnel. Cependant les allemands parlent très bien anglais, vous pourrez acheter du pain ou ouvrir un compte en banque en anglais sans soucis. De plus si vous résidez dans une ville de taille importante telle que Düsseldorf, vous trouverez des réseaux francophones et anglophones bien établis.
Auf wiedersehen !
L’aventure d’Adeline vous tente ?
Voici des liens qui peuvent être utiles :
- Agence pour l’emploi (équivalent de Pôle emploi) : https://www.arbeitsagentur.de/*
- Infos sur le titre de Psychologue/Psychothérapeute (En allemand) : https://www.psychologie-studieren.de/ausbildungen/psychologischer-psychotherapeut/
- Centre fiscal de la Rhénanie : https://www.finanzverwaltung.nrw.de/
- Institut de formation au Heilpraktiker für Psychotherapie : https://www.paracelsus.de/ausbildung/psy_berat/fr_psy1.asp
- Sur Düsseldorf, association francophone / aide à l’intégration : https://www.dusseldorfaccueil.com/
Retrouvez également notre article à l’origine de ce tour du monde des psychologues: Etre psy en Nouvelle-Zélande