Article rédigé par Danaë Holler, jeune diplômée psychologue, en poste à 70% (3 jours par semaine) depuis bientôt 1 an dans un EHPAD privé à but lucratif de 65 lits (sans unité protégée, ni PASA) de la très proche banlieue parisienne.

Des missions variées qui s’articulent autour d’une dynamique institutionnelle cliniquement riche!


Être psychologue en EHPAD c’est avoir une triple casquette ; J’interviens bien évidement auprès des résidents, mais également auprès des familles et des soignants.


Concernant les résidents, je les vois systématiquement lors de leur arrivée à la résidence pour obtenir un maximum d’informations sur eux (anamnèse, histoire des troubles, nature de l’angoisse, capacités communicationnelles, etc.) et également me présenter. Je les revois quelques jours après pour faire une évaluation cognitivo-comportementale (MMSE, test de l’horloge, GDS, NPI..). Ensuite en fonction du besoin et de la demande,  je propose au résident un suivi psychologique et/ou des séances de techniques psychocorporelles (hypnose, méditation, EMDR). Je ne prends pas de rendez-vous mais je me bloque plutôt des créneaux pour réaliser des entretiens avec les résidents. Une des qualités du psychologue, encore plus en Ehpad, c’est la flexibilité. Il faut savoir rebondir rapidement si le résident ne veut pas, ne peut pas ou n’est pas là. De plus, la temporalité du résident et des soignants est à prendre compte ; le psychologue doit toujours se repositionner pour que son intervention soit bénéfique. Etant présente trois jours par semaine, je ne peux proposer aux résidents que deux séances en individuel de maximum 40 minutes par mois. Sauf pour les séances d’EMDR où la fréquence est plus importante, mais cela concerne très peu de résidents.


Faute de place et d’espace aménagé, je propose des ateliers mémoire de 30 minutes en chambre avec des jeux stimulant les fonctions exécutives et l’élaboration du résident. Les participants ont la possibilité d’inviter d’autres résidents. Ainsi, nous nous retrouvons généralement à quatre pour un moment alliant convivialité et vertus thérapeutiques. Une fois par semaine, je déjeune avec trois résidents lors du repas thérapeutique que je co-anime avec l’animatrice de la résidence. J’essaye de proposer ce type d’activité en priorité aux nouveaux résidents et également à ceux qui ont des troubles alimentaires ou de fortes angoisses. Cela permet également de développer l’alliance thérapeutique et de préciser les conclusions de mes évaluations cognitivo-comportementales.


L’équipe pluridisciplinaire se réunit une fois par semaine pour faire les « projets de vie individualisé » (PVI aussi appelés PAP). Le psychologue étant le coordinateur des PVI, c’est à lui d’être le garant du bon fonctionnement de cette réunion, où la famille et le résident sont conviés pour échanger ensemble sur son état de santé psychique et physique, son cadre de vie, son autonomie et sa sécurité, la qualité de sa vie personnelle et sociale, etc… Nous définissons ensemble des objectifs, pour lesquels les membres de l’équipe  auront des actions à mettre en place afin d’améliorer le bien-être global du résident.


Au niveau des réunions pluridisciplinaire, les cadres se réunissent chaque lundi matin pour le CODIR où on fait le point hebdomadaire sur l’hôtellerie, la restauration, le soin et la vie sociale. C’est aussi durant cette réunion que sont validés les projets thérapeutiques, par exemple la mise en place d’un nouvel atelier ou d’une sortie thérapeutique. Bon nombre d’autres réunions mensuelles ou hebdomadaires ponctuent mon emploi du temps déjà bien rempli !


D’ailleurs, en parlant d’atelier, je propose en co-animation des ateliers d’art thérapie et de zoothérapie chaque après-midi par semaine à un groupe de 8 à 10 résidents. Actuellement, nous réalisons un cycle de 6 semaines de médiation artistique autour de l’argile. Les médiations artistiques et animales ont pleinement leur place en Ehpad, au même titre que d’autres techniques psychocorporelles comme l’hypnose ou la méditation. Les résultats sont incroyables ; les troubles comportementaux tels que les déambulations et l’agitation sont moins nombreux. J’observe également une diminution de l’angoisse et une augmentation de l’estime de soi.



Concernant ma seconde casquette, j’interviens auprès des familles à propos du résident. Je leur propose un espace de parole individuel ou en groupe pour échanger par exemple sur la pathologie de leur proche ou sur certaines difficultés de communication avec les soignants. Placer un proche en Ehpad engendre culpabilité et angoisse et crée souvent de l’incompréhension et de l’agressivité envers l’institution. N’oublions pas que les Ehpad ont mauvaise pub… (On peut même s’aventurer à parler d’ « Ehpad bashing », mais ce n’est pas le sujet de cet article !). Le rôle du psychologue est aussi de déceler l’épuisement chez les aidants, en leur proposant des solutions concrètes pour amoindrir leur fatigue morale et physique. Entretenir les liens entre la famille et le résident est une tâche importante et intéressante, au même titre que le développement des liens intergénérationnels en dehors de la résidence (d’où l’intérêt de nouer de bonnes relations avec les établissements scolaires des environs, afin d’organiser, par exemple, des journées d’échanges entre les enfants du quartier et les résidents de l’Ehpad).


Ma troisième casquette concerne l’intervention auprès des soignants. J’essaye au mieux de faire le lien entre les soignants et la direction, notamment durant les réunions, parfois en désamorçant quelques conflits, même si cela est davantage le rôle de l’IDEC ou du responsable hôtellerie. Je participe également aux transmissions (réunions rapides où les soignants donnent des nouvelles des résidents). Les informations se veulent claires, précises et complémentaires aux transmissions inscrites dans le logiciel de la résidence).


La plus grosse partie de mon travail avec les soignants comprend les formations internes. J’essaye de faire deux formations d’une heure par mois (je multiple ce temps par deux puisqu’il y a un roulement d’équipe) sur diverses thématiques. Bien évidemment, je forme les équipes sur des thématiques incontournables comme la bientraitance, la sexualité des résidents, le refus de soin, etc. Mais, j’essaye aussi de proposer des thèmes plus « originaux et actuels » en me calant sur le calendrier des journées internationales ou francophones. Ces formations se veulent avant tout dynamiques et ludiques ; je propose par exemple des jeux de rôles ou des vignettes cliniques concrètes et actuelles. Je co-anime systématiquement ces formations avec la psychomotricienne ou le médecin coordinateur ; cela permet d’avoir plusieurs points de vue et d’alléger la charge de travail concernant la création des formations internes. Je peux également aider les équipes à gérer leurs difficultés professionnelles en proposant des groupes de travail et des études de cas.


L’ensemble des actions (principalement avec les résidents) sont tracées via un logiciel commun à la résidence. La rédaction de synthèses et de comptes rendus prend du temps, mais cela permet une traçabilité et une transparence concernant les actions de chacun.



Pour conclure, je dirais que même si la gériatrie et la psychogérontologie peuvent rebuter, travailler en Ehpad en tant que psychologue est passionnant, si on se donne la peine de faire sa place et si on nous donne les moyens de mettre en place un projet psychologique d’envergure. En effet, la dynamique institutionnelle peut parfois bloquer notre intervention, mais ne doit pas mettre à mal notre motivation à prendre en charge des personnes âgées dépendantes (très souvent atteintes de pathologies neurodégénératives). La recette miracle n’existe pas, cependant une bonne entente et une communication efficace avec la direction et les soignants semblent être la clef pour s’épanouir professionnellement et proposer une prise en charge psychologique de qualité aux résidents.


Penser (panser ?) le lien en Ehpad n’a jamais été autant actuel, à l’heure où le nombre de patients – qui ne cessera d’augmenter avec l’accroissement de l’espérance de vie – fait des maladies neurodégénératives un enjeu médico-économique et de santé publique majeur.

Une version audio-visuelle de cet article est disponible ICI


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