L’âge violent de Dinah Vernant
Dinah Vernant est médecin praticien dans un Espace Santé Jeunes à l’Hôtel-Dieu de Paris, qu’elle a créé et appelé l’espace Guy Môquet. Cette unité est dédiée aux jeunes en rupture et les professionnels de cet espace travaillent en relation étroite avec la Protection judiciaire de la jeunesse de Paris et l’Aide sociale à l’enfance.
Dans son livre L’âge violent (2007), Dinah Vernant raconte les parcours de vie de jeunes qu’elle a rencontrés. Selon elle, les adultes ont la nette tendance à considérer que les adolescents ont besoin avant tout de prise en charge psychologique, en oubliant pourtant une dimension importante chez eux : leur corps.
La prise en charge psychologique est bien sûr importante et nécessaire pour certains jeunes mais parfois une visite chez le médecin et la transmission d’information sur le fonctionnement corporel et la sexualité peut suffire à apaiser les tensions que rencontrent certains adolescents.
Dinah Vernant exprime également sa colère par rapport aux failles et aux aberrations du système médical, judiciaire et socio-éducatif.
Ce livre, écrit de manière fluide, traite de sujets différents comme la violence intrafamiliale, les violences sexuelles, les abus judiciaires, l’auto-agressivité… illustrés par des parcours de vie de jeunes, dépeints avec justesse, que D. Vernant a reçu dans ses consultations.
Dinah Vernant interroge et critique également la société, qui joue un rôle dans les troubles du comportement de certains adolescents :
» A l’âge où tout ce qui touche au corps est en ébullition, où de nouvelles sensations, de nouveaux sentiments surgissent, la confrontation entre la culture familiale et la culture de la société dans laquelle ils baignent produit un choc dont la violence les frappe de plein fouet, un choc qu’ils ne maîtrisent pas et qui les entraîne vers d’autres violences. Ecrasés entre les provocations sexuelles permanentes de notre société qu’ils ne savent pas canaliser et les interdits culturels et religieux très puissants de leur milieu d’origine, ils explosent.
(…) Tout comme nous, ils voient, étalées sur les murs de nos villes, des publicités exhibant des seins et des fesses de femmes, mais ils ne les ressentent pas comme nous. Il ne s’agit plus là de la découverte de la sexualité, que tous les adolescents de toutes les générations ont faite en lisant en cachette les revues et les livres « interdits », il s’agit d’une véritable provocation publique faite aux adolescents, et en particulier à ceux dont l’entourage ne peut répondre et calmer les réactions induites par ces spectacles. Ces images les agressent. La méconnaissance de leur corps, de ses pulsions, l’impossibilité qu’ils ont à les sublimer les conduisent à agresser en retour. » (p81)