Michel Foucault philosophe français et titulaire d’une chaire au Collège de France entre 1979 et 1984, a travaillé sur les rapports entre pouvoir et savoir. Il critique les normes sociales et les mécanismes de pouvoir qui s’exercent au travers d’institutions en apparence neutres : la médecine, la justice, les rapports familiaux ou sexuels…

Voici une série d’interventions à la radio dans lesquelles il développe sa pensée.

 

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Une série radiophonique sur les langages de la folie dans l’émission « L’usage de la parole », dont trois numéros sont consultables sur internet propose à Michel Foucault de commenter de longs extraits littéraires qui illustrent ses propos.

Dans ce premier développement, M. Foucault aborde les relations entre la folie et la fête. Il n’y a pas de civilisation sans folie. Dans certaines, la folie s’apparente à la religion, à la magie, ou à la médecine. Dans la notre, elle s’apparente, semble-t-il, à la fête. La fête, moment absolu où le temps s’interrompt, vacance de la culture, inaugure entre les hommes des formes de communication que leur langage de tous les jours ne permet pas. Ainsi, l’ivresse ou les drogues permettent d’instaurer un nouveau langage.
La fête des fous est peut-être un mythe fondamental dans notre langage, « un rêve dort sous nos paroles, rêve d’un abus de langage qui, traversant le réel de  part en part et le retournant souverainement, transgresse toute vérité et nous ouvre enfin un monde ivre« .

Radio- La folie et la fête, 1963

A partir d’extraits de Maupassant, de la Comtesse de Ségur, de Rousseau ou encore du carnet d’une patiente en psychiatrie, Michel Foucault étudie dans cet extrait radiophonique la folie dans notre imaginaire. Bestialité et cruauté, la folie peut être insidieusement cachée derrière la culture et les normes de la société, comme dans le premier extrait cité de Maupassant. Folie et raison entretiennent des ressemblances déconcertantes; ressemblances que Foucault met en avant sous le lieu de la persécution.
Pour en parler, il fait un détour par les méthodes utilisées lors de l’élaboration du traitement moral, souvent désignée comme le mouvement de la libération de la folie. Il explique, en énumérant les méthodes tortionnaires utilisées, que ce ne sont peut-être pas ces méthodes en soi qui sont de l’ordre de la cruauté mais que cette cruauté est inhérente à l’espace vide laissé entre folie et raison: « elle est inscrite dans la loi du partage et contact entre folie et raison ». Ce qui existe d’abord, ce n’est pas la folie et la raison, les persécutés et les non-persécutés mais c’est leurs différences, c’est cet espace vide où ils se confrontent. Ce qui existe d’abord c’est donc la persécution, figure du labyrinthe et de la métamorphose.

Radio – Discours sur la folie – Persécutions, 1963

Toujours à partir de différents extraits – Le Double de Dostoïevski, le Horla de Maupassant, Thomas Mann ou Artaud- M. Foucault explore les figures du double et celle de l’absence d’image ou de reflet dans le miroir, ou encore celle de la gémellité – toutes évoquant la mort. Le suicide met d’ailleurs en jeu la question du dédoublement.
Quand le corps n’habite plus le monde, le monde se délite également, comme en témoigne la lecture d’un extrait du journal d’une schizophrène.
Ce développement annonce le texte « Le corps utopique », qui est à l’écoute un peu plus bas.

Radio- Le discours de la folie : le corps et ses doubles, 1963

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« Qu’est-ce que la psychologie? » demande Alain Badiou à Michel Foucault. Ce dernier inscrit la psychologie et la psychanalyse dans le développement des sciences humaines de la philosophie à l’anthropologie, posant la question « qu’est-ce que l’homme? »
Selon M. Foucault, la psychologie doit être interrogée comme une forme culturelle, pouvant être une science ou non. Elle est la science humaine rectrice découvrant l’inconscient, et qui, ce faisant, restructure le domaine de toutes les sciences humaines. Avec la découverte de l’inconscient, on s’aperçoit que l’homme n’existe pas.

Interview par Alain Badiou – Philosophie et psychologie, 1965

Voici un enregistrement radiophonique de Michel Foucault lisant son texte « Le corps utopique« . Ce corps, qu’il décrit comme le contraire d’une utopie, une topie impitoyable, qui sera toujours là et jamais ailleurs. Ce corps que je montre, à travers lequel je parle, à partir duquel je suis regardé, cage dont je suis prisonnier.
De là naissent les utopies, l’idée d’un corps incorporel. Les pays des fées et des lutins, les pays des morts permettent d’effacer les corps. L’âme permet de s’en échapper, elle est pure et éternelle au contraire du corps périssable.
Mais le corps également a ses lieux sans lieu. La tête, dans laquelle les choses viennent se loger par les fenêtres des yeux alors que ces choses sont bien à l’extérieur. Ce corps est également voilé par une certaine invisibilité: le derrière du crâne, le dos; et ne se laisse capté que par l’intermédiaire du miroir, et encore, de manière fragmentaire.
Masque, maquillage, tatouage déposent sur le corps tout un langage et le placent dans un fragment d’espace imaginaire. Le corps utopique est le point zéro du monde, autour duquel s’organise le monde.
Cependant, chez les Grecs, le mot pour désigner le corps apparaît pour désigner le cadavre; tout comme les enfants découvrent au bout d’un certain temps qu’ils ont un corps, par le miroir. Le miroir et la mort assignent un espace au corps et limitent l’utopie du corps par un détour inaccessible: on ne pourra jamais être là où est notre cadavre, où se regarde notre reflet.

Enregistrement – Le corps utopique, 1966

Un autre enregistrement radiophonique de Michel Foucault lisant son texte intitulé « Les hétérotopies« .On ne vit pas dans un espace neutre mais dans un espace quadrillé, bariolé, ouvert ou fermé, de passage ou de l’intimité. Il y a des contre-espaces, que les enfants connaissent parfaitement: le fond du jardin, le grenier, le lit des parents qui devient océan, forêt, etc. Il y a également les cimetières, les maisons closes, les prisons, les asiles; autres lieux qui contestent de façon mythique et réelle des lieux où nous vivons – les hétérotopies.
Les hétérotopies biologiques – les lieux pour les changements et crises biologiques : école pour filles ou garçons, lieux pour les femmes ayant leurs règles ou accouchant, voyage de noces – laissent place aux hétérotopies de déviation.
Les hétérotopies font se juxtaposer en un lieu réel plusieurs espaces qui devraient être incompatibles: le théâtre, le cinéma; elles sont parentes des hétérochronies; elles ont toujours un système d’ouverture et de fermeture qui les isolent de ce qui les entoure.

Enregistrement – Les hétérotopies, 1966

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Dans cette vidéo datant de 1966, Michel Foucault est interrogé sur son ouvrage « Les Mots et les Choses ». Il explique qu’il y tente d’analyser le savoir occidental comme un objet extérieur, étranger, comme un objet anthropologique à étudier en dehors de nos catégories de savoirs et de nos cadres mentaux. Il définit l’homme comme une invention, définie par notre culture et le contexte historique. La notion d’humanisme est une invention du XIXeme siècle, et a donné lieu au développement des sciences humaines, qui elles, nous conduisent à la disparition de l’homme dans le sens où elles découvrent de grands systèmes de pensées, sol sur lequel les grandes individualités historiques apparaissent. La mort de Dieu a laissé la place à la liberté, la mort de l’homme laisserait la place à la nécessité.

Vidéo – Les Mots et les Choses, 1966

 

Georges Charbonnier reçoit Michel Foucault au micro des Matinées de France Culture pour discuter de la signification que donne l’auteur de l’Archéologie du savoir au mot archéologie, des règles de la fabrication et de la formation du discours, et de la pratique du discours avec pour exemple le cas de la folie et celui de la médecine. Foucault parle aussi, entre autres, de son « positivisme » et de ses liens avec le mouvement structuraliste.

Enregistrement – L’archéologie du savoir, 1969