L’OMS retire la dysphorie de genre des troubles mentaux. Victoire 🎉 Mais il reste encore à faire pour les droits de la communauté LGBT+. 3 personnes nous racontent les combats liés à une transition.


Homme transgenre avec un drapeau LGBT allongé sur une pelouse

Camille

Homme trans


Au départ 🎭

J’ai été assignée femme à la naissance. Enfant, les codes de genres ont commencé à me mettre mal à l’aise vers 7-8 ans. Longtemps, j’ai cru qu’il s’agissait de sexisme intériorisé, que c’était ça qui me faisait détester les différences entre les garçons et les filles. À l’adolescence, quand j’ai commencé à décider de mon apparence, j’ai fait couper mes cheveux courts et j’ai acheté une panoplie de chemises trop grandes. Un an plus tard, j’ai acheté des robes et des talons, porté des colliers à clous et des longs cheveux colorés. Jusqu’à mes 23 ans, j’ai enchaîné ces périodes d’hyper-féminité et d’androgynie. Comme si je n’arrivais pas à exister dans le rôle de femme qu’on m’obligeait à jouer. Même si je savais qu’il existait tout un spectre, que je pouvais être une femme de mille manières, je n’y parvenais pas.


Cheminer 🏳️‍🌈

J’ai commencé à m’investir dans les luttes LGBTI+, ignorant tout du “T”, je me suis renseigné à ce propos. Avec du recul, je vois bien que me renseigner et prendre à cœur cette cause avec tant de ferveur n’était pas anodin. Quand j’ai rencontré des personnes transgenres, je me suis reconnu en elles. Chose que je n’ai pas pu faire à travers les médias, que ce soit les informations qui nous réifient ou les films qui traitent de la transidentité de façon maladroite. J’ai assimilé l’idée que, moi aussi, je pouvais être trans et en parallèle, les mots “elle” et “madame” me faisaient de plus en plus de mal. Alors j’ai fait mon coming-out (CO) d’abord à ma copine, puis à mes ami.e.s proches et la veille de mes 23 ans, à mes parents.


Œuvrer pour être soi 🌈

Cela a été très dur et un soulagement à la fois. J’ai pu comprendre et mettre des mots sur le malaise que je ressentais depuis toujours : la dysphorie de genre. Étonnement, j’ai accepté mon corps à partir de ce moment-là, comme si j’avais compris que ce n’était pas lui que je détestais mais le fait qu’on l’oblige à être un corps de femme. Finalement, j’ai consulté un gynécologue qui m’a prescrit de l’androtardyl (traitement hormonal masculinisant, donc à base de testostérone) en parcours privé. Ensuite, j’ai pris RDV avec un chirurgien privé pour ce qu’il appelle une torsoplastie (ou mammectomie). Le changement d’état civil (je ne suis pas concerné par le changement de prénom) est extrêmement compliqué et je n’ai pas encore eu l’occasion de m’y pencher.


Apprendre ⏩

J’ai pris conscience de la force des injonctions d’une société. En effet, la société transphobe m’oblige à vivre dans un climat d’insécurité totale. Par exemple, je n’ose pas dire aux médecins que je suis un mec trans qui aime se maquiller de peur qu’ils ou elles m’empêchent de transitionner car je ne corresponds pas aux stéréotypes de genres masculins occidentaux.


Se remémorer 🧐

Un jour, j’ai remarqué dans le bus un ado que je pensais être trans, il est venu me demander le lien de mon compte instagram et m’a complimenté, on s’était reconnu entre mecs trans ! Cette solidarité, ce lien fort entre les personnes trans est un sentiment qui réconforte. Cela fait partie des moments qui font que je n’ai pas peur d’afficher ma transidentité. S’il y a des transphobes qui peuvent avoir des mauvaises intentions, je sais aussi qu’il y a des personnes qui vivent la même chose que moi, et même des plus jeunes que je peux inspirer.


Mes conseils 🚦

Quand on s’interroge sur son identité de genre 🐌

Aux yeux de la loi, rien n’oblige à attendre un certain “stade de transition” ou à avoir un suivi psychiatrique pour commencer l’hormonothérapie ou être opéré. D’ailleurs, il n’est pas nécessaire de faire une transition médicale. Du moment que vous êtes bien dans votre corps, c’est le plus important. Pour ma part, j’ai choisi la solution de facilité car je n’en pouvais plus des « madame » ou de devoir faire cours de « queer studies » à chaque personne que je croisais tout en supportant leur regard interloqué.


Pour l’entourage🗝️

Se renseigner : J’ai conseillé à mes proches de se renseigner en leur envoyant des témoignages de personnes trans ou des brochures d’associations, tout en leur faisant comprendre qu’il est fatigant de répondre aux mêmes questions à chacun.e. Ce n’est pas une question de mauvaise volonté, seulement c’est éprouvant d’avoir le même discours, devant nos proches, nos collègues, camarades de classes, médecins, etc. tout en ayant la peur au ventre car on ne sait jamais comment l’autre va réagir.


Pour les praticiens (et l’entourage)⚕️

  • Ne pas infantiliser : Rassembler son courage pour annoncer son questionnement ou sa décision est le fruit d’une importante réflexion, d’introspection, souvent dans une grande solitude, les personnes concernées ont donc besoin d’une écoute, d’un soutien et non que l’on remette en question leurs paroles et leurs réflexions.
  • Ne pas voir ça comme un deuil : Je ne renie pas ce que j’ai été, même s’il s’agit d’une époque compliquée, cela fait partie de moi. Je préfère parler de l’époque où on me considérait comme une fille, où j’étais perçu comme une fille, où j’essayais d’être une fille. Mais toujours en parlant de moi au masculin. Mieux vaut parler de ces “modalités” avec chaque personne trans que vous rencontrerez, car tout.e.s ne vivent pas leur transidentité de la même manière.

Femme transgenre accroupie montrant ses mains avec des tâches d'encre aux couleurs LGBT

Mirza

Femme trans


Au départ 🎭

Avant de prendre conscience de mon besoin de transitionner, j’étudiais la géologie en école d’ingénieur à Beauvais. C’était un milieu très masculin, dans lequel j’avais une sorte de carapace, de rôle, que je jouais pour tenter de m’intégrer. Ça ne marchait pas vraiment. Mon père était gravement malade, de la maladie de Charcot. Il a été malade cinq ans, et il est mort en 2017, avant mon coming out de meuf trans.


Cheminer 🏳️‍🌈

Après la mort de mon père, j’étais à Rennes et j’ai découvert ma bisexualité. Je suis alors rentrée dans l’association LGBT+ de la ville et j’ai alors découvert l’existence des personnes transgenres. J’ai surtout découvert que ces personnes étaient très loin des clichés des films et des reportages que j’avais pu voir à la télévision. J’ai commencé à me poser de grandes questions sur mon genre, sur qui j’étais, et j’ai fini par comprendre que j’étais une fille trans. J’ai rapidement fait mon coming-out à ma famille et à mes proches, qui dans l’ensemble l’ont bien pris. J’ai rapidement trouvé le prénom qui m’accompagnera pour le reste de ma vie.


Œuvrer pour être soi 🌈

Pour les hormones, j’ai dû batailler avec plusieurs généralistes avant qu’un décide de me prescrire des œstrogènes et de la progestérone. J’ai dû faire un dossier de changement de prénom, rempli de preuves et de témoignages certifiant que j’utilisais bien ce prénom et que j’étais bien une femme trans. Je viens de me décider à changer la mention de genre sur mes papiers. Pour cela, il faut passer devant le tribunal de grande instance (oui, c’est un juge qui va décider de mon identité) et constituer un dossier avec des dizaines de pièces. Jusqu’il y a peu (2016), il fallait avoir été stérilisée pour changer la mention de sexe à l’état civil. Pour pouvoir vivre comme on l’entend et sans problèmes, il faut longuement batailler quand on est trans.


Apprendre ⏩

J’ai appris que j’étais pugnace et courageuse, que je peux me battre beaucoup pour mes droits et ceux de ma communauté.


Se remémorer 🧐

J’ai un très bon souvenir du jour où j’ai eu accès aux hormones féminisantes.


Mes conseils 🚦

Quand on s’interroge sur son identité de genre 🐌

Ne pas rester seulE, aller sur les groupes facebook trans, dans les assos… vous n’êtes pas seulE.


Pour l’entourage 🗝️

Écouter ce que votre proche a à vous dire, et le respecter. C’est plus dur pour elle/lui que pour vous, et ce sera plus facile pour tout le monde si vous l’aimez et le/la soutenez.


Pour les praticiens ⚕️

  • Ne pas tout lier à la transidentité.
  • Respecter les pronoms et le prénom de la personne, ne pas juger la personne. Ne pas poser de questions intrusives et non nécessaires. Etre respectueux en somme !

Visage souriant de personne non binaire avec éclaboussures de peinture au couleurs LGBT

Eliot

Non binaire


Au départ 🎭

Si je devais donner quelques impressions, c’est celles d’avoir été à côté de ma vie pendant … 20 ans ! En réalité, c’est exagéré. Mais c’est comme si on m’avait forcé à une existence fade, sans couleur, pendant tout ce temps. Avec l’impression d’être à côté de la plaque, mal à l’aise, perpétuellement dans le mauvais costume. Tant que j’étais dedans, je ne me rendais pas compte qu’il était possible de vivre différemment.


Cheminer 🏳️‍🌈

Ça a plutôt été un processus un peu flottant : garder et employer un prénom épicène qui n’était au départ qu’un surnom pour une saynète de théâtre, explorer vestimentairement des choses – avec la sensation de déjà transgresser très fort ce qu’il m’était permis de faire… -, alterner les accords féminins et masculins sans rien dire à mon entourage, me dire non binaire mais pas trans, sans envisager non plus que ça puisse être assumé publiquement…


Œuvrer pour être soi 🌈

La transition, contrairement à ce que les médias vendent, c’est avant tout un processus social. J’ai fait un coming out non binaire à mon entourage très proche. Ça m’a permis d’être genré correctement dans quelques cercles. Je ne pensais pas aller plus loin. Sauf qu’en réalisant à quel point il m’était plus juste et naturel d’évoluer sous cette identité-là, j’ai fini par élargir le CO. J’ai mis mon frère, mes parents au courant, puis je me suis outé sur mon lieu de stage et dans ma promo (qui a eu une réaction super chouette !). C’était terrifiant, grisant et nécessaire à la fois. Mais la pression et le regard social, c’est vraiment hyper dur à gérer : avoir le choix, entre « mec cis » et « meuf cis » c’est très limité et pas si simple. Le premier me convient mieux mais reste très loin de qui je suis, et m’impose vraiment une impression d’imposture.


Apprendre ⏩

Mille choses. Qu’on peut avoir l’air bien plus sûr.e de soi que ce qu’on est réellement. Que c’est souvent un passage obligé pour être genré correctement : prétendre que tout est ok, que oui oui on est bien un mec cis, bien sûr. Que l’apparence compte, mais pas que. Que l’attitude c’est 50 % du passing. Que les cis ont une perception du genre qui est tout à fait surprenante : parfois tu ne prends pas de précautions vestimentaires pour être bien genré, tu sors tout seins au vent et tu te fais bien genrer partout, parfois c’est tout l’inverse. Mais vraiment, l’assurance, c’est ce qui joue : lae dernier.e des transphobes aura bien du mal à te mégenrer si tu te présentes comme hyper naturel.le et à l’aise dans ton identité de genre.


Se remémorer 🧐

Ma première Existrans La première fois que je voyais plein de personnes trans, d’un coup, qui me ressemblent, à militer pour la même chose. Ma rencontre avec une amie non binaire politisée, qui avait les même ressentis, opinions que moi sur plein de choses.


Mes conseils 🚦

Quand on s’interroge sur son identité de genre 🐌

Ecoutez-vous. N’accordez aucun crédit aux cis qui tenteront de vous faire douter, toute la société s’y emploiera déjà. Et surtout : cherchez-vous des solidarités trans : sur les groupes, les réseaux sociaux, dans les assos. Pour comparer les vécus, se questionner auprès d’oreilles attentives, être accompagné.e dans les démarches qui ne sont pas que simples, connaître les bons plans. Vous n’êtes pas seul.es, et je crois fort à la construction d’une communauté, d’une entraide, d’un savoir commun et d’espace où on peut s’écouter les un.es les autres.


Pour l’entourage 🗝️

Soutenez-nous. Écoutez-nous. Et si la transition d’un.e proche est dure à vivre et vous remets en question, n’attendez pas de la personne trans (qui a déjà sa transition à gérer) de prendre en charge vos problèmes. Trop de parents de personnes trans font payer à leur enfant leur transphobie et leur incapacité à appréhender la transidentité paisiblement.


Pour les praticiens ⚕️

Prenez-nous au sérieux. Certains pro du soin attendent des personnes trans d’être hyper sûre d’elleux et de prouver le sérieux de leur démarche avant de commencer à les genrer correctement. Soyez attentif.ves aux signaux, à comment vos patient.es se genrent à l’oral, et accueillez ces questionnements-là avec bienveillance et ouverture. Et n’attendez pas de preuves, n’essayez pas de tester la véracité de notre vécu.


Champs de fleurs aux couleurs arc-en-ciel

Pour aller plus loin


1/ Enrichir son vocabulaire et parler un langage commun grâce au lexique proposé par l’Association Transgenre de la Côte d’Azur.

2/ Décoder la décision de l’OMS relative à la transidentité à travers l’article du psychologue Tom Reucher pour Libération.

3/ Saisir les défis quotidiens de personnes adultes qui transitionnent dans la série documentaire d’Océan (acteur transgenre), d’enfants et adolescents transgenres dans le film Devenir il ou elle (Lorène Debaisieux, 2017) et de personnes intersexes avec le documentaire Entre deux sexes (Régine Abadia, 2017).

4/ Connaitre les modifications corporelles disponibles pour les personnes trans grâce à 2 brochures destinées à la communauté médicale, sociale et associative et éditées par l’association OUTrans.

5/ Avoir des points de repères juridiques (accès aux soins, états civils, etc.) sur le site de l’association ANT (Antenne Nationale Transgenre).

6/ Orienter vers des praticiens (généralistes, spécialistes, psys, avocats et autres) regroupés sur la base de témoignages de personnes transgenres dans l’annuaire participatif de BDD Trans.

7/ Donner la possibilité de consulter gratuitement un psychologue en face à face ou à distance par le biais de l’association ACCEPTESS-T.

Photos : Sharon McCutcheon, Vitória Santos, Freepik