Etre psy au Vietnam
UN PSY + UN PAYS = UNE EXPÉRIENCE PAR DELÀ LES FRONTIÈRES. Rencontre avec Dorothée psychologue au Vietnam :
« Je suis donc partie en sac à dos et j’ai fait venir mes affaires l’année suivante lorsque j’étais bien installée ».
Son portrait marque la reprise de notre tour du monde virtuel après un confinement mondial et aussi notre entrée sur le continent asiatique ! Si vous exercez vous-même dans un territoire autre que la France métropolitaine, écrivez-moi à [email protected], pour continuer ensemble notre exploration de ce que peut être la pratique professionnelle de la psychologie ici et ailleurs.
Notre psy
Je m’appelle Dorothée Sibille, je suis psychologue clinicienne-psychothérapeute et je travaille à Hanoi depuis deux ans. Pendant mes études, j’ai eu la chance de pouvoir beaucoup voyager et découvrir différents pays (missions humanitaires ou autres…) et l’envie de vivre et de travailler ailleurs devenait de plus en plus une évidence ! J’ai voulu rejoindre des organismes humanitaires internationaux mais il me fallait travailler mon anglais. Je suis donc partie vivre à Londres et j’ai exercé dans un centre médical ainsi que dans un dispensaire français pendant plus de 8 ans jusqu’à ce que le Brexit et l’envie de découvrir autre chose viennent me chatouiller.
A l’origine, je partais seulement au Vietnam pour des vacances, mais le contexte politique de Londres m’a poussée à réfléchir à transformer ces vacances en un lieu de vie. Je suis donc partie en sac à dos et j’ai fait venir mes affaires l’année suivante lorsque j’étais bien installée.
Son parcours de formation
J’ai fait mes études de psychologie à l’Université Paris 8 en 2003 où je me suis orientée vers une approche intégrative. Je me suis vite intéressée à la clinique du traumatisme et j’ai ensuite été formée à l’Hôpital d’Instruction des Armées de Percy pour me spécialiser. J’obtiens mon Master en Pratiques de la Psychothérapie et Psychopathologie Clinique suite à un travail autour des psychopathologies des conflits contemporains (guerres, conflits, attentats). La guerre du Vietnam n’étant pas si lointaine et étant toujours intéressée par la clinique de guerre, je travaille actuellement sur un projet de thèse.
Son intégration vietnamienne
Je suis arrivée au Vietnam le 1er janvier 2018. Deux ans après je me souviens encore du sourire des femmes qui tenaient l’hôtel modeste dans lequel j’ai résidé le premier jour et c’est pour moi un souvenir assez représentatif de mon intégration dans ce pays : souriant et chaleureux.
En arrivant, je souhaitais intégrer une équipe médicale mais devant le manque d’offre et ne voulant pas accepter des conditions de contrat que je jugeais hors éthique, je me suis installée en libérale où je propose des psychothérapies individuelles pour enfants, adolescents et adultes.
L’intégration dans le milieu professionnel est à double tranchant: les structures médicales n’embauchent pas d’expatriés et les échanges avec les praticiens qui y travaillent ne sont pas toujours évidents. J’ai été cependant très bien accueillie dans un groupe de psychologues internationaux en libéral avec qui je travaille actuellement: Hanoi Counseling Psychotherapy. Il regroupe des psychologues anglophones (Etats Unis, Royaume-Uni, Australie) que je rencontre une fois par semaine pour des intervisions et des projets que nous avons en commun. J’ai la chance également de collaborer avec un organisme vietnamien pour lequel je donne des formations à des psychologues et des étudiants en psychologie soit en anglais soit à l’aide d’une traductrice. Nous initions actuellement un travail en binôme pour des patients vietnamiens.
Un psy +un pays = une alchimie
Le Vietnam est un pays de découverte, et cela se ressent aussi dans mon travail. Oui, en plus d’être un pays plein de charme, le Vietnam m’offre la possibilité de m’intéresser à d’autres champs de la psychologie tels que l’interculturalité ou l’ethnologie et donc d’apprendre et me former à une autre culture et aussi à une autre culture de la psychologie.
Travailler ici me permet de monter ma propre pratique, d’aller à la rencontre de diverses associations, me former via des formations à distances à l’e-thérapie et d’autres formes thérapies, me mettre à l’écriture, me remettre sur mon projet de thèse et me donne aussi l’envie de me diriger vers l’enseignement. Cependant, pratiquer au Vietnam implique également des limites : travaillant seule et n’ayant que très peu de collègues, qui ont une langue et une culture différente, m’isole. Heureusement des formations onlines commencent à exister et j’ai rencontré le Réseau Psy Expat que je recommande largement et qui permet des échanges entre les psychologues francophones expatriés et avec qui j’ai pu assister à des intervisions onlines.
Une particularité de ma pratique au Vietnam est la proximité avec ma patientèle. La communauté française étant restreinte, il m’est difficile de ne pas rencontrer mes patients dans mes différents lieux de vie (restaurant, supermarchés, écoles). Il n’est pas non plus rare d’avoir des amis en communs. C’est donc une pratique différente de celle que j’avais pu avoir auparavant et il faut s’avoir s’adapter à cette situation. Aussi le fait de travailler seule dans une petite ville, de porter le rôle de psychologue de village, me pousse parfois à devoir réinventer mon cadre et d’y apporter de la souplesse.
Finalement, travailler dans ce pays corresponds assez bien à mon champ théorique préférentiel qui demande aux psychologues d’adapter leurs méthodes à la problématique du patient et donc de fait j’apprends aussi à adapter ma pratique aux codes du Vietnam. La culture vietnamienne est bien différente de la nôtre, par exemple là où nous apprenons à exprimer nos émotions, à nous plaindre (dans la culture française), le vietnamien ne se permet pas de dire par exemple ou d’exprimer sa souffrance car c’est souvent considéré comme une marque de faiblesse.
Bon à savoir pour travailler en tant que psy au Vietnam
Un conseil : bien à préparer son installation ici avant de venir ! Ce n’est pas impossible mais il faut savoir s’armer de patience… Il est malheureusement difficile de pouvoir travailler à Hanoï en tant que psychologue et c’est pourquoi nous ne sommes pas nombreux à y travailler. Les structures médicales qui employaient des psychologues il y a encore quelques années changent de politique et refusent de plus en plus les psychologues étrangers. A ce jour, seul un psychologue travaille dans une centre médical international.
Le domaine de la psychologie n’est pas développé à Hanoï, le master de psychologie vient aussi de disparaître des universités, et il n’y a donc pas la richesse des formations, colloques ou autres que l’on peut avoir en Europe.
Il faut aussi pourvoir obtenir un visa de travail ainsi qu’une carte de résidence et pour cela encore faut-il se préparer à de longues et difficiles démarches administratives.
Le rapport à la langue vietnamienne
Malheureusement la barrière de la langue rend les échanges et les interactions difficiles et il est de ce fait facile de se retrouver cloisonné entre expatriés. L’apprentissage du vietnamien demande du temps et de l’énergie et il n’est pas évident de toujours pouvoir s’y apprêter entre le travail et les enfants, pourtant comme disent les anglo-saxons « it’s worth it ! » (= cela en vaut la peine !).
Nous le savons, le langage est l’un de nos outils de travail le plus important. Alors, lorsque la communication devient difficile, il faut pouvoir s’adapter. Je suis française, je parle anglais mais je ne parle pas vietnamien suffisamment pour pratiquer. J’ai donc tout d’abord ciblé ma pratique vers la population francophone ou anglophone et je trouve cette limite très inconfortable. C’est pourquoi j’ai rejoint un organisme vietnamien et, que je commence à recevoir des patients vietnamiens avec un traducteur (tout en considérant les points positifs et négatifs d’une telle pratique).
L’aventure de Dorothée vous inspire !?
Voici des sites que Dorothée vous conseille de visiter pour préparer votre départ !
- Hanoi Counseling Psychotherapy: https://hanoicounselingpsychology.com/our-services-2
- Plateforme collaborative sur l’expatriation en famille: https://www.expatsparents.fr/
- Réseau Psy Expat: http://www.reseau-psyexpat.com/
- Ulysse, petit expat – un album jeunesse consacré à l’expatriation: https://lepetitjournal.com/expat-pratique/famille/ulysse-petit-expat-un-album-jeunesse-consacre-lexpatriation-25381
Retrouvez les pays que nous avons déjà parcourus :