Un article invité écrit par Maximilien Bachelart, Docteur en psychologie et psychothérapeute


D’où sort l’idée?


C’est après un échange en visio avec un collègue québécois que le principe de ces vidéos a émergé. Cette discussion très pertinente m’a conduit à me poser la question « si finalement c’était enregistré ? mes collègues seraient intéressés, ça serait plus vivant que de retranscrire des propos par écrit ».

Je n’avais donc rien à perdre, une fois mes quelques questions type posées sur un fichier Word, il me semblait intéressant d’aller à la rencontre de l’autre, un peu comme un journaliste qui ferait un documentaire en allant vers l’inconnu et tout en gardant mes idées de base en laissant s’exprimer chacun d’entre nous.


Comment?


Ainsi Le premier concept « Les psy parlent aux psy » est né, sous la forme d’une interview diffusée tous les samedis à midi sur YouTube.

L’objectif est simple et sans prétention : Interroger tout simplement des psy de tout bord, jeunes et vieux, psychothérapeutes, cliniciens, neuropsychologues, psychologue du travail… afin de savoir ce qu’ils pensent de leur profession, comment ils pratiquent, comment ils voient l’avenir. Échanger avec eux sur ce qu’ils pensent des enjeux de la profession : titre de psychothérapeute, création d’un ordre, paramédicalisation, Ségur de la Santé, salaire, temps FIR…

Chacune des personnes rencontrées a des particularités intéressantes et apporte une richesse qui fait de chaque interview une rencontre unique, si la discussion reste ouverte et libre, ma grille de questions me permet de retourner sur mon objectif initial qui est d’échanger sur la question de notre identité professionnelle.


Pourquoi?


Le constat le plus évident est que Les psy ne se parlent pas beaucoup, surtout en France où cela est devenu assez catastrophique. Quand ils le font ce sont sur des luttes identitaires relatives à des modèles théoriques d’appartenance, par manque d’identité commune de la profession ? C’est une hypothèse.

Plusieurs collègues ont besoin de fantasmer un ennemi qu’ils adorent détester. Le pire ennemi des psychologues français ce sont les psychologues eux-mêmes selon moi.

Dans ces rencontres on en vient à se dire que la profession a des soucis identitaires, qu’on devrait dresser un mur des lamentations en ce sens. On constate qu’en Amérique du Nord et dès l’université, il y a une culture du débat qui est bien loin d’être vécu comme une attaque personnelle, mais un espace où l’on y apprend à avoir des arguments solides plutôt qu’à dénigrer les personnes.

La majorité des psy s’éloignent et disparaissent, ne s’informent plus. En France, on est plus attaché à démontrer pourquoi les choses sont impossibles plutôt qu’à se demander comment elles pourraient advenir. Les différences séduisent plus que les rapprochements, ça n’est pas pour rien que les cliniciens sont souvent en guerre dans des luttes fratricides dès l’université, spécialement les cliniciens qui suivent les orientations de leurs UFR… les interviews parleront d’elles-mêmes si on me trouve trop pessimiste !

Selon moi il faut nécessairement et dès l’université avoir une culture de la psychologie et de tout ce qui existe, tous les champs d’expertise.

Quand on connaît le champ de l’autre, au-delà de simples préjugés, on peut commencer à penser ensemble sans forcément aplanir les différences. Plutôt que de catalyser l’agressivité des pairs, je me suis dit qu’il fallait tendre le micro pour entendre plusieurs réalités.

C’est en cela que je pose également la question des pratiques intégratives, la France est un des derniers pays au monde à ne pas pouvoir se poser la question car nous sommes très pris dans des idéologies et la culture de l’autre est assez pauvre.

En 2017 avait lieu le congrès international de psychothérapie, réunissant dans des mêmes pièces des cliniciens d’horizons différents voire opposés… je dirai que 99% des psychologues français n’étaient même pas au courant de ce congrès qui a accueilli des stars dont on achète les bouquins comme Irvin Yalom (ex psychanalyste, thérapeute existentiel). Pour exemple, c’est un américain à Denver lors d’une conférence que je donnais qui m’en a informé…c’est pour dire ! J’ai contacté tous les psy que je connaissais, de tous horizons, personne n’avait l’information.

Parlerons-nous de l’époque de la manifestation du Champ de Mars à propos du titre de psychothérapeute ?

Je constate aussi que la majorité des psychologues ne connaissent pas le contenu du titre de psychothérapeute et s’en fichent… Or c’est assez honteux, selon moi évidemment, que la psychothérapie ne soit pas définie et que l’on n’exige aucune heure de formation en psychothérapie.

Toutes ces interrogations et constats me conduisent à vouloir proposer ces vidéos pour les 60 000 psychologues français et comme je crois profondément que l’on manque d’ouverture sur le monde des autres (pour des psy c’est fou), au lieu de râler j’ai pensé à tendre le micro à tous les francophones du monde, on aura donc des américains, des suisses, des belges, des italiens, espagnols, allemands… pour qu’ils nous parlent de leurs parcours mais de l’organisation de la profession dans leur pays. Je pense également à des psychiatres !

Je ne cherche pas de consensus, j’ai mes idées mais je ne crois pas que l’importation soit si simple. Mon propos est de dire que la profession a des problèmes identitaires, a des débats sans fin depuis une 40aine d’années et que le temps passe, autant dessiner une profession plutôt que de se la faire bousculer dans les années à venir : ordre ou pas ordre, je n’ai pas la science infuse et plutôt que de créer une association de plus en vase-clos, je préfère rendre public les échanges. Interroger les systèmes des autres c’est sortir de l’entre-soi, cela permet, même si l’on se fiche du monde des autres, de mieux comprendre le nôtre avec ses limitations et son contexte.

Les psychologues sont finalement assez seuls, se replient et les premières interviews ont été accueillies comme un bain de fraicheur.

Des dizaines de messages y compris des personnes les plus belliqueuses, m’encouragent et me questionne sur les projets qui adviendront par la suite : je n’en sais rien… je ne suis pas le leader d’un nouveau mouvement, j’essaye déjà de faire différemment que d’habitude et si ces témoignages inspirent et bien j’en serai ravi ! Et le jour où je n’aurais plus de plaisir j’arrêterai.


Le but?


L’objectif est de rendre visible la complexité de la profession de psychologue clinicien. Comment faire pour que l’étudiant de psycho au professeur d’université en passant par tous les psy des champs de la psychologie se retrouvent, comprennent et s’interrogent en écoutant leurs pairs témoigner de leur pratique et de leur identité?

Les psychologues ayant déjà visionné ces interviews semblent apprécier que cette démarche soit spontanée, qu’elle ne soit rattachée ni a une idéologie politique, ni a collectif particulier, ni même à une orientation particulière et que cela soit simplement des psys qui parlent à des psys.

Certaines organisations ont également partagé leur sentiment positif à l’égard de cette démarche, j’en suis ravi et me demande pourquoi ça n’a pas été fait plus tôt ! Québécois, Suisses et Belges ont également salués cette initiative.


J’espère que le plaisir amènera à l’envie de se parler.


Les thèmes abordés lors des interviews


  • Comment l’ordre des psychologues fonctionne concrètement au Québec ?
  • Peut-on être psychanalyste et dialoguer avec d’autres thérapeutes ?
  • Que devient l’école de Palo Alto ?
  • Comment est réglementée la pratique des psychologues aux Etats-Unis
  • Les psychologues sont-ils des soignants ?
  • En quoi intégrer une pratique clinique contrôlée à l’université ne serait pas un luxe ?
  • Que penser de la paramedicalisation
  • Les infirmiers seront-ils les futurs thérapeutes remplaçants les psychologues
  • Comment un thérapeute peut-il améliorer ses compétences ?
  • La psychologie du travail peut-elle être entendue comme une psychologie clinique ?
  • Pourquoi et comment les psychologues en arrivent-ils à ne pas se parler, être entendu, à s’organiser ?
  • Faut-il rembourser les actes du psychologue ?
  • Comment les psychologues travaillent-ils avec les psychiatres ?
  • Comment fonctionne la fédération suisse des psychologues et quels sont ses futurs défis à relever ?
  • Doit-on former à la psychothérapie dans le cursus universitaire et que penser du titre de psychothérapeute ?

Et nous ne sommes qu’au début !

Les débats pousseront au contradictoire et devraient amener à plus de concret.

Les Psy vont donc pouvoir débattre, une question sera lancée et 3-4 professionnels pourront en échanger ensemble.


La playlist YouTube « Les psy parlent aux psy »


Pour contacter Maximilien Bachelart : [email protected]