Pourquoi l’hystérie ? Pourquoi observer les hystériques ? Pourquoi les photographier ? C’est une étrange idée en effet que de vouloir tout voir et consigner ainsi la grammaire des passions humaines ? Il est possible que cette idée ait germé dans la tête des littérateurs avant de se concrétiser dans la neurologie. Elle a sans doute pris forme aux alentours des années 1830 et s’est confirmée après 1850. Refusant de se contenter de la physiologie des corps, Balzac en effet prolongea l’étude des fonctions organiques en une science des mœurs et des allures qui n’est pas totalement étrangère au rapport d’œil que Gustave Flaubert institua dans ses livres. Il lui fallait trouver une correspondance entre le décor et les âmes et capturer ainsi l’image de ses personnages afin de les empêcher de vivre. Il lui fallait canaliser le temps, tout faire pour qu’il ne puisse sortir hors de ses gongs. Inventer un style qui permette que le point de vue de la mort sur la vie s’impose au lecteur comme une fatalité. Il n’y aurait pas eu d’éducation sentimentale après 1848 sans se programme artistique. Et peut-être que la physiologie rationnelle n’aurait pas muté en méthode anatomo-clinique pour déboucher sur ce qui devait constitué la naissance de la clinique et la nomination de l’hystérie. C’est une question, mais elle est de taille. Elle n’est pas sans conséquences sur la conception de la vision à distance aujourd’hui. Car il faut bien que les corps comparaissent devant un œil pour expliquer ce qu’on y voit. Je n’invente rien, disait Jean-Martin Charcot (1825-1893) qui préférait se taire lorsqu’une malade lui était présentée. Mais alors dira-t-on pourquoi photographier les hystériques ? De quelle mémoire inconsciente ce désir est-il porteur ? Et comment aujourd’hui inquiéter ce désir ? Que se cache-t-il derrière la Grande Hystérie et le Grand Hypnotisme, ce couple infernal du XIX siécle finissant ?

Les nouveaux chemins de  la connaissance

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