Un mot qui fascine, une discipline peu reconnue et une spécialisation vulgarisée.


Une petite présentation…


Je suis Marine François, psychologue clinicienne, je travaille essentiellement en cabinet libéral et dans un SSIAD. J’ai suivi un parcours en psychopathologie mais j’ai une pratique intégrative. J’inclus différentes approches et différents outils afin de m’adapter au mieux à mes patients (entretien clinique, médiations thérapeutiques, jeux, photolangage, pratique de groupe, exercices TCC, relaxation, guidante parentale, EFT…). Et pour ce qui nous intéresse aujourd’hui : j’ai fais une spécialisation en victimologie par le biais d’un DIU, à la suite de ma formation initiale déjà bien orientée dans ce domaine.

J’ai voulu écrire cet article en vous présentant succinctement ce qu’est la « victimologie » de manière un peu théorique dans un premier temps, puis vous présenter mon parcours en tant que professionnelle de soin dans ce domaine. Cet article, je l’espère, vous donnera une idée de ce qu’est cette spécialisation et comment on peut travailler aujourd’hui dans ce domaine. Néanmoins, mon parcours n’est pas le parcours de tous, et si cette spécialisation vous intéresse, encore beaucoup de choses sont à créer dans le soutien des victimes et leur accompagnement.


Un petit point théorique pour planter le décor


La notion de « victime d’un acte criminel » et le terme « victimologie » sont récents. Le fondateur de la criminologie, Denis Szabo, fondateur de l’École de criminologie de l’Université de Montréal, « écrivait que la victimologie serait une piste importante dans l’avenir de la criminologie ». En effet, comprendre « la victimologie » d’un criminel semble être une piste incontestable dans la compréhension d’actes criminels et dans la résolution d’une enquête. C’est après la Seconde Guerre Mondiale, que la victimologie est née en Europe et aux USA dans le but d’étudier la relation criminel-victime. Mais plus les années passent plus la définition de ce terme évolue. En effet aujourd’hui, la victimologie est l’étude du comportement des victimes et leur prise en charge. Une victime est une personne « qui subit un dommage, un abus ou un préjudice moral » ; au sens large nous pouvons être victimes : d’accidents, de crimes, d’agressions, de maltraitance, d’abus, de violences (quelqu’elles soient), de guerres/d’attentats. C’est partant de cet autre visage de la victimologie que j’ai envisagé mon métier sous le prisme de cette spécialisation.


Pourquoi la victimologie?


J’ai toujours été intéressée par le domaine de la victimologie-criminologie tant dans la littérature qu’à visée plus professionnelle. Je souhaitais mêler la psychologie à des spécialités comme celles-ci sans réelle connaissance des possibilités concrètes, autrement que par des médias comme les livres et la télévision. Autrement dit, je suis arrivée en licence avec des projets plein la tête et des ambitions de future criminologue. Je me voyais déjà suivre les pas de Chloé dans la série Profilage ou travailler pour la Police, voire le FBI (soyons fous) comme dans Esprits Criminels. Je voulais comprendre les esprits malades, les comportements criminels mais aussi et surtout « m’occuper » des victimes, au sens large du terme. Quand j’ai entamé mon cursus de psychologie, j’avais des rêves plein la tête !

La réalité du terrain m’a vite rattrapé. En France, cette discipline n’est pas encore réellement reconnue. Si des DIU s’ouvrent ainsi que des Masters, les débouchés n’en reste pas moins très… bouchés. Le réseau, les stages, la volonté, la créativité, les études restent le leitmotiv pour réussir dans ce domaine.


Et dans la pratique, ça donne quoi ?


En Licence, j’ai pris la décision de faire certaines options comme  « La psychologie du comportement criminel » et « Criminologie ». Cours qui m’ont permis de mettre un premier pied dans le domaine, notamment dans la première définition de la victimologie, qui se trouve en lien avec la criminologie. J’ai également orienté mes stages de Licence et Master vers des institutions qui pouvaient correspondre à mes attentes. En voici quelques exemples : j’ai pu travailler au sein d’une brigade de la gendarmerie, spécialisée dans l’accueil des victimes mineures : la BPDJ (Brigade de la Protection de la Délinquance Juvénile). Cette brigade a pour mission de de prendre en charge les mineures victimes et/ou auteurs. Les professionnels sont formés à cette écoute particulière. J’ai également évolué en Protection de l’Enfance (UEHDR) avec des jeunes retirés de leurs familles, en cours d’instruction judiciaire. Ils étaient pour la plupart à la fois auteurs de certains faits mais aussi victimes. J’ai travaillé à l’Association des Victimes d’Inceste avec l’animation d’un groupe de parole ; en clinique psychiatrique où j’ai pu faire des entretiens psychologiques et animer des groupes thérapeutiques auprès de patients au parcours de vies traumatiques ; dans une Association Européenne des Psychologues Sapeurs-Pompiers où j’ai pu mener une recherche scientifique sur l’Etat de Stress Post Traumatique (ESPT – PTSD).

En France, la victimologie est encore un domaine vaste, populaire mais pas aussi reconnu qu’on le souhaiterait. Après mon master, j’ai décidé de faire le DIU de Victimologie à Lyon 1 pour me former dans la prise en charge des victimes sur différents plans : psychologique, social, médical et judiciaire. En victimologie, le judiciaire prend énormément de place, notamment quand il y’a une instruction judiciaire. L’accompagnement des victimes, dans cette temporalité est primordial et pas souvent assez conseillé. L’instruction judiciaire peut pourtant s’avérer traumatique : l’instruction, les policiers, les juges, l’enquêtes, les confrontations, les interrogatoires, les examens… Tout ce flot d’expériences dans un cadre inconnu, où la culpabilité (entre autre) est distillé de part et d’autres.

Dans ce DIU, nous rencontrons des associations, des procureurs, des médecins légistes, des psychiatres, des juges d’instruction, des avocats, des psychologues, des experts à la cour, des gendarmes : tant de professionnels qui côtoient chacun à leur manière « des victimes ». On étudie toutes les formes de violences que le monde peut générer. Les violences conjugales, les violences sexuelles, l’inceste, le meurtre, l’assassinat, les violences psychologiques, l’enlèvement, le harcèlement, la maltraitance, victimes de terrorisme, victimes de guerre… en d’autres termes bienvenue dans un monde, qui peut, nous faire douter, pendant quelques secondes, de l’humanité toute entière. On nous apprend également quelques pistes de prise en charge, quelles soient psychologiques, sociales et/ou judiciaires. Le DIU se fait en un an. Il y a au terme de cette année, deux examens écrits : un en droit et un en psychologie. En parallèle, il y a un mémoire à rédiger et un stage à effectuer dans le domaine. Si les écrits sont réussis, vous passez en soutenance de mémoire devant des professionnels rencontrés au cours de l’année. Pour ma part, j’ai fait mon mémoire avec une médecin généraliste sur la prise en charge des enfants témoins et victimes de violences conjugales et intrafamiliales. J’ai effectué mon stage à la Brigade de Protection des Familles, une brigade de gendarmerie, spécialisée dans les violences conjugales et intrafamiliale.


Comment j’intègre cette spécialisation dans ma pratique aujourd’hui ?


Au début de cet article, nous avons parlé de la victimologie comme « piste » afin de mieux comprendre les actes criminels. C’est en effet, un des aspects de cette spécialisation ; mais pas le seul. Dans mon métier, cette « spécialisation » m’aide à accompagner les victimes dans ce qu’elles traversent. J’essaie au mieux, à travers ma pratique de les écouter dans ce qu’elles vivent et de les aiguiller quand je peux le faire, sur les démarches qui s’offrent à elles, notamment du côté social et judiciaire. A savoir, que pour une victime mineure, je suis dans l’obligation légale de « dénoncer » un crime commis envers un(e) mineur(e). Obligation qui ne s’applique pas quand la personne est majeure.

En ce qui me concerne, en tant que psychologue, je travaille en cabinet libéral, avec un public enfants, adolescents et adultes. Ce lieu de travail me permet d’intervenir auprès d’un public qui a pu vivre un ou des évènements de vie qui sont venus ébranler leur quotidien et s’inscrire comme traumatisme. J’ai aussi exercé en MECS, une maison d’enfants à caractère social, dans les Services de Placement Familial et d’Hébergement. Ce travail m’a engagé dans un accompagnement avec les familles, les enfants accueillis et placés mais aussi dans un travail institutionnel auprès des équipes. Parmi mes missions j’ai mené des réunions institutionnelles, des entretiens d’évaluation/observation, d’autres à visée thérapeutiques au moyen-court terme et faire un travail de lien avec les partenaires sociaux, juridiques et de soins. J’ai pu apprivoiser le « lien » à l’enfant et l’adolescent en proie à des vécus difficiles et traumatiques, parfois à des mouvements délinquants tout en élaborant autour de cette question du « lien » rudement mis à l’épreuve dans leurs parcours de vie. Le travail avec les équipes me donne à exercer l’aspect institutionnel du métier de psychologue afin d’accompagner au mieux les équipes dans leurs éprouvés des accompagnements éducatifs auprès d’un public ayant parfois vécus l’innommable. La Protection Judiciaire de la Jeunesse et l’Aide Sociale à l’Enfance restent selon moi, les deux entités où l’on peut travailler avec cette casquette « victimologie » au sein d’une institution. En tout cas, c’est dans ce domaine qu’il y a le plus de poste en France.

Pour moi la victimologie est à entendre au sens large du terme : compréhension d’un tableau clinique des victimes d’un « suspect », compréhension de ce qu’est un traumatisme, de la part immergé de son impact mais aussi la partie non immergé edu trauma chez la personne ; de ce qu’est l’ESPT et sa symptomatologie, parfois complexe ; l’accompagnement pluridisciplinaire d’une personne « victime ».

Une victime peut être un homme, une femme, un enfant, une personne âgée ; toutes les sphères de la vie peuvent être touchées : sociale, familiale, amicale, du travail. Le champ du traumatisme en filigrane de la victimologie, est complexe et demanderait bien plus que cet article pour être expliquer au mieux.

Pour finir, j’ai laissé de côté le job au FBI, mais j’ai toujours dans un coin de ma tête l’ambition de travailler au sein de la gendarmerie ou de la police. J’aimerais aussi me former a l’EMDR pour avoir une méthode en plus dans ma boîte à outils de psychologue mais aussi plus tard, me former en criminologie, car je trouve les deux spécialités complémentaires. Les années m’ont appris que je souhaitais aussi, ne pas faire « que ça », qu’il était nécessaire, en tout cas, pour ma part de travailler avec un autre public. Une des limites que j’ai pu constater au cours de mon DIU, et qui fait partie de mes inquiétudes, c’est de côtoyer la monstruosité du monde et finir par ne plus être « si touché que ça », parce que ça sera devenu un quotidien, quelque chose de tellement vu, qui nous atteindra « pas pareil ». Parce que les mécanismes de défense se seront mis en place pour que ça « glisse » différemment sur moi et que mon oreille n’écoutera plus de la même façon. Il me semble important de pouvoir prendre un peu de recul pour aider au mieux, avec nos compétences mais aussi avec notre sensibilité, notre humanité, notre personnalité, notre empathie. Parce que c’est quand notre coeur continue d’être touché qu’on travaille le mieux.

Et pour vous, c’est quoi la victimologie ?


Quelques institutions où travailler dans ce domaine


En France, les institutions où l’on peut travailler dans le domaine sont (liste non exhaustive) :

  • Gendarmerie / Police / Brigades Spécialisée
  • Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ)
  • Les tribunaux : il y a des permanences dans les tribunaux pour les victimes.
  • Associations d’aide aux Victimes
  • Hôpitaux
  • Médecine légale
  • Cabinet libéral
  • ASE
  • Centre pénitentiaire
  • SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation)
  • Ministère de la Justice

Quelques liens et noms d’organisations importants


  • Association qui intervient auprès des femmes victimes de violence : http://www.viffil.com
  • 116 006 est le numéro d’aide aux victimes
  • 114 est le numéro d’urgence que les victimes conjugales et parentales peuvent contacter. En période de confinement, possibilité par sms. Gratuit et Anonyme.
  • 119 est le numéro d’urgence pour l’enfance en danger. Gratuit et Anonyme.
  • 3919 est le numéro d’urgence pour assister les victimes de violences conjugales. Gratuit et Anonyme.
  • France Victimes 01 41 83 42 00 – https://www.france-victimes.frAssociations d’aide aux victimes d’infraction pénale
  • Association Internationale des Victimes d’Inceste
  • Les CUMP (Cellule d’Urgence Médico-psychologique)
  • SOS Viol 08 00 05 95 95 (Gratuit)
  • N° d’appel national d’aide aux victimes 08VICTIMES ou 08 842 846 37
  • Fédération nationale solidarité femmes 01 40 33 80 90

Pour mieux me connaître :

Mon site internet : www.psy-neuropsy-lyon.com

L’instagram dédié à la lecture et parfois à la psychologie : @lesmotsquilient