Le temps. Vaste sujet. Il y a celui qui est mesuré en heures, en minutes, secondes…c’est Chronos. Tiens, écrire cette première phrase m’a pris moins d’une minute. J’aurais sûrement une panne d’inspiration à un moment de l’élaboration de l’article, un blanc, et il me faudra peut-être plusieurs secondes avant de reprendre. Parfois même plusieurs heures, ou même me reposer une nuit avant de reprendre la lecture, l’écriture d’un article, d’un mémoire de recherche…

Pause. Je prends le temps. Ma réflexion ne va pas aussi vite que mon mental voudrait. Pourtant, « j’ai le temps ». C’est un article dans le blog Psycogitatio, un blog que j’aime, c’est donc du temps Kaïros, celui qu’on ne voit pas passer car on est plongé dans un activité qui nous plaît. Ah, Kaïros, c’est mon temps préféré! Celui de la passion, du partage, du plaisir, de la joie sans doute. Je suis tellement concentrée dans ma tâche que le temps est élastique, il perd sa notion de mesure. Une randonnée de 4 heures et tous mes muscles mobilisés dans l’effort, une partie de cache-cache avec mes petits-enfants, déguster une glace à la vanille avec mon amoureux, écrire sur ma vie…Quels sont donc vos moments » Kaïros »?

First morning of summer – Kmye Chan

Enfin, il y a Aïon, le temps des cycles. Celui des saisons, des mois, des journées et des nuits, celui de la lune et aussi des marées…La nature fonctionne beaucoup par cycle, les humains aussi, notre corps tout du moins, et on l’oublie parfois. Les cellules qui se régénèrent, les cheveux qui tombent et qui repoussent, les ongles qui poussent, qu’on coupe, et qui poussent à nouveau, les menstruations et le cycle Vie/Mort/Vie.

Le temps m’a toujours intrigué. Nous sommes une espèce avec une conscience aiguë du temps. On voudrait le happer, qu’il ne disparaisse jamais. Mais, vois-tu, en écrivant ces lignes, le temps d’avant a déjà disparu. Il n’existe plus. Ni la sensation que j’ai eu, ni l’émotion. C’est passé. La pensée présente il y a quelques secondes, est elle-même partie dans les limbes de mon cerveau. A moins que je la tienne encore un peu, que je la note, que je me l’écrive, pour la travailler ensuite ou approfondir maintenant. Ah, que de frustrations de sentir, voir, ressentir, penser les choses en une seule fois. Notre impression ne sera jamais plus la même. Le moment est unique à chaque fois. Finalement, c’est génial?! Je revis une nouveauté à chaque instant?

Et puis, ce que cela vient questionner ce temps, c’est la finitude. Tout s’écoule, s’arrête, se transforme, se construit, se recrée. En cela, c’est infini.

« Notre vie est-elle autre chose que ce ballet de formes éphémères? Tout ne change-t-il pas continuellement? Les feuilles des arbres dans le parc, la lumière dans la pièce où vous lisez ces lignes, les saisons, le temps qu’il fait, l’heure qu’il est, les personnes que vous croisez dans la rue? Et qu’en est-il de nous? Toutes nos actions passées ne nous apparaissent-elles pas aujourd’hui comme un rêve? Les amis avec lesquels nous avons grandi, les lieux de notre enfance, les points de vue et opinions que nous défendions autrefois avec tant d’opiniâtreté : tout cela, nous l’avons laissé derrière nous. Maintenant, à cet instant, lire ce livre vous semble tout à fait réel. Pourtant, même cette page ne sera bientôt plus qu’un souvenir.
Les cellules de notre corps meurent, les neurones de notre cerveau se détériorent ; et même l’expression de notre visage se modifie sans cesse, au gré de nos humeurs. Ce que nous considérons comme notre caractère fondamental n’est rien de plus qu’un « courant de pensée ». Aujourd’hui, la vie nous semble belle car tout va bien ; demain, ce sera le contraire. Où sera passé notre bel optimisme? De nouvelles influences nous auront affectés, au gré des circonstances.
Nous sommes impermanents.
Les influences sont impermanentes.
Et il n’existe rien que l’on puisse qualifier de stable ou de durable.
Qu’y a-t-il de plus imprévisible que nos pensées et nos émotions? Avez-vous la moindre idée de ce que vous allez penser ou ressentir dans un instant? Notre esprit, en réalité, est aussi vide, aussi impermanent et aussi transitoire qu’un rêve. Observez une pensée : elle vient, elle demeure et s’en va. Le passé est passé, le futur ne s’est pas encore manifesté et la pensée actuelle, au moment où nous en faisons l’expérience, se mue déjà en passé.
En réalité, seul l’instant présent, le « maintenant », nous appartient. »

Sogyal Rinpoché, (2013). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris : La table ronde.

 

Le temps peut être perçu de manière mélancolique, un peu comme Léo Ferré, dans sa chanson « Avec le temps »,

« Avec le temps, va, tout s’en va

On oublie le visage et l’on oublie la voix

Le cœur, quand ça bat plus, c’est pas la peine d’aller

Chercher plus loin, faut laisser faire et c’est très bien. »

Avec le temps-Léo Ferré

ou vécu comme du velours, celui de l’amour, qui s’invite et peut laisser un goût sucré.

« C’est le temps de l’amour, le temps des copains et de l’aventure                                                               

Quand le temps va et vient,

on ne pense à rien malgré ses blessures.

Car le temps de l’amour

c’est long et c’est court,

ça dure toujours, on s’en souvient. »

Le Temps de l’Amour-Françoise Hardy

On peut aussi griller le temps dans la passion, la destruction, avec une pointe de tristesse comme dans la chanson « Time » de David Bowie.

« The sniper in the brain, regurgitating drain

Incestuous and vain, and many other last names

I look at my watch it say 9 : 25 and I think « Oh God I’m still alive »

Time-David Bowie

Et vous, comment vivez-vous le Temps?

 

(Ap)prendre le temps, c’est le sujet de la conférence enregistrée en 2016 au Collège des Bernardins, avec Jean-François Clervoy, astronaute à l’Agence Spatiale Européenne , Chantal Delsol, philosophe et Gilles Vernet, réalisateur du documentaire très intéressant Tout s’accélère en 2016.

Avez-vous pris ou prenez-vous le temps de regarder cette conférence? C’est par ici! 

Il est temps pour moi d’arrêter cet article. Ma réflexion continuera de se construire et dans un jour, un mois, un an, elle aura évolué.

Chronos m’appelle, j’ai un rendez-vous. Peut-être sera-t-il teinté de Kaïros et se renouvellera-t-il, avec Aïron…?