Livre – « Cabossées en série, dernières nouvelles exclusives de la folie ordinaire » d’Henri Cachia
Livre – « Cabossées en série, dernières nouvelles exclusives de la folie ordinaire » d’Henri Cachia
C’est à travers le récit de son expérience théâtrale à La Borde que j’avais découvert Henri Cachia; je le retrouve avec plaisir avec la parution d’un court recueil de nouvelles, dont le titre ne pouvait que m’intriguer.
On pense d’emblée aux Contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski, qu’il faudrait d’ailleurs relire, et qui nous rappelle le trash, la brutalité, la misère, le désespoir face à l’hypocrisie d’une société crépusculaire – quelque chose qui concerne tout le monde, que le monde tente de (se) cacher.
La folie ordinaire que l’on découvre au fil des neuf nouvelles d’Henri Cachia est loin d’être banale. Il ne s’agit pas de la folie privée des gens normaux, du théâtre intime qui déraille à l’abri des regards, mais bien d’une folie qui passe à l’acte, une folie meurtrière. On n’apprend pas beaucoup plus des raisons (peut-il y en avoir? peuvent-elles être mise en mot?) ou plutôt de l’histoire des personnages qui les poussent au meurtre d’un autre, le plus souvent trouvé au hasard.
C’est avec la nouvelle « La chenille » que je comprends un peu mieux où l’on m’emmène dans cette lecture. En deux pages, la critique d’un système qui paraît vidé de son sens affleure, le malaise dans la civilisation apparaît sous ces mots: « l’impression d’être dans une bétaillère« (page 85), qui parleront sûrement à tous les franciliens qui s’engouffrent au moins deux fois par jours dans les transports en commun – lieu intermédiaire et violent d’une violence symbolique toujours plus crue. Notre personnage, qui se sent prisonnier de cette bétaillère, est face au désir puissant d’y échapper, désir de ne pas gaspiller une vie à la gagner. Mais cette critique esquissé du travail et du système économique – qui se poursuivra d’ailleurs dans les nouvelles suivantes – ne peut prendre de forme concrète, ne peut s’acter, et le personnage reste en suspens avec cette question sans réponse: « mais où aller vraiment?« (page 86)
Est-ce ainsi, de cette impossibilité de transformer la réalité, de ce sentiment d’impuissance irrémédiable, que le passage à l’acte meurtrier vient prendre place? « Qu’il est difficile d’avouer qu’on a besoin d’aide! Alors parfois la violence ça parle quand on ne sait pas faire autrement« ( page 122)
Difficile de ne pas penser au terrorisme. La question de la fascination, du déferlement pulsionnel, de la chute de la loi symbolique sont très présents au travers de ces nouvelles ordinaires.
Quelques voies de sorties sont pourtant proposées, celles de l’auteur sans doute, plus ou moins efficaces – la critique du psychanalyste n’est pas absente et tant mieux : le théâtre, l’écriture ou l’édition ( surtout pas l’édition de supermarché, mais l’édition éthique de qualité), et le psy.