Thirteen de Catherine Hardwicke
Thirteen (2003) est un film sur l’adolescence et sur les conduites à risque pendant cette période. L’histoire se base sur le vécu de Nikki Reed, l’une des actrices principales.
Tracy et Elvie, deux adolescentes, entrent dans une relation fusionnelle, une sorte de gémellité, carapace contre l’extérieur. Chacune se nourrit de l’autre jusqu’à l’excès. A certains égards, ce film m’a fait penser aux concepts de Préoccupation Maternelle Primaire et de mère suffisamment bonne de D.W. Winnicott.
La PMP correspond à la tendance de la mère pendant la grossesse et durant les premiers mois de la naissance, à répondre parfaitement aux besoins de son enfant (Winnicott, 1989). Au départ, l’enfant est dans la toute puissance, car son besoin est comblé quasiment dans l’immédiat, comme s’il avait lui-même « créer » le sein nourricier. Il est dans l’illusion (Winnicott, 1975). Après quelques mois, la mère devient « suffisamment bonne », c’est-à-dire que son adaptation aux besoins de l’enfant va diminuer progressivement. En parallèle, l’enfant développe une capacité à faire face à la défaillance maternelle et à tolérer les résultats de la frustration. Cette « frustration » va permettre à l’enfant d’intégrer une réalité extérieure et développer une capacité de vivre une relation avec le monde externe. Il sort de l’illusion magique pour être dans la désillusion (Winnicott, 1975). Cette désillusion correspond à l’entrée dans l’« air intermédiaire d’expérience » où l’enfant va faire l’expérience des phénomènes transitionnels accompagnés d’un objet transitionnel (objet d’attachement avec une symbolique particulière pour l’enfant, le doudou par exemple) (Winnicott, 1975).
Frustrer un individu n’est possible que si on l’a satisfait convenablement auparavant.
Dans la relation entre Tracy et Elvie, on sent le besoin qu’a chacune de se créer un double et d’être dans la toute puissance en passant par la transgression. Le vol notamment est une conduite transgressive qui vise à récupérer ce que l’on n’a pas eu. La mère de Tracy reste présente malgré les attaques de sa fille envers elle. La jeune fille semble en mal de père et de repères. Cependant, la présence continue de sa mère, comme une « mère suffisamment bonne » lui permet de sortir de cette situation à risque. La cellule familiale d’Elvie est inexistante dans le film. La jeune fille semble totalement livrée à elle-même, et se nourrir d’elle-même.
En se tatouant, en se perçant et en ayant des conduites anorexiques, les deux jeunes filles interrogent leur enveloppe corporelle et leur enveloppe psychique. En se collant, elles sont dans l’illusion de partager une peau commune et reviennent à un narcissisme primaire où l’autre n’est pas différent (« je m’aime » signifie « je l’aime ») (Anzieu, 1995).
Elles représentent l’une pour l’autre une « mère » qui désire aimer mais qui est insécure, que ce soit par sa présence excessive et sa tendance à la transgression ou son absence brutale (rupture amicale).
Bibliographie :
Anzieu, D. (1995). La notion de Moi-peau. In Le Moi-peau (pp. 35-44) (2é éd.). Paris : Dunod.
Winnicott, D.W. (1975). Objets transitionnels et phénomènes transitionnels. In Jeu et réalité (pp. 27-64). Paris : Gallimard.
Winnicott, D.W. (1989). La préoccupation maternelle primaire. In De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris : Payot.