Article écrit par Morgane Montevil, psychologue clinicienne et psychothérapeute à Paris.

Pourquoi créer un groupe d’Intervision ?


Au cours de diverses expériences professionnelles, de nombreuses questions surgissent : Comment adapter ma pratique avec des patients présentant telle ou telle spécificité ? Comment me positionner dans cette équipe ? Quelle technique sera la plus bénéfique pour mon patient ? Malgré les années d’exercices et les formations effectuées, le besoin d’échanges et de retours sur mes pratiques professionnelles persiste. Alors , comment faire pour continuer de progresser et améliorer perpétuellement mon sens clinique ?


Lorsqu’on est en difficulté professionnelle, on a besoin de conseils, de soutiens et de solutions thérapeutiques. Pouvoir échanger avec des collègues peut être difficile dans l’établissement d’exercice (lorsqu’il y a des collègues disponibles). J’ai alors voulu me tourner vers d’autres psychologues.


Comment avons-nous fait ?


J’ai eu la chance de partager ces interrogations avec Hélène Marais-Thomas, mon associée professionnelle. Pour nous, les intérêts de l’Intervision étaient évidents. Pour constituer un groupe d’Intervision et pouvoir travailler avec d’autres psychologues, il faut des valeurs communes. Chaque professionnel a sa propre clinique, son orientation théorique, son parcours et sa vision de la profession. Nous avons donc listé ces valeurs qui nous semblent essentiels pour travailler à plusieurs :


  • La bienveillance et le non jugement ;
  • L’implication professionnelle ;
  • La capacité de remise en question ;
  • La capacité de réflexion collective ;
  • L’adhésion avec les règles déontologiques et éthiques du code des psychologues

Pour nous, il était important d’avoir un groupe fermé pour favoriser la confiance des membres et assurer la confidentialité des cas abordés. Nous voulions aussi un groupe non hiérarchique, sans orientation définie pour favoriser la diversité des approches, et le plus homogène possible en niveau de connaissances / années d’exercice… Le but étant que chaque professionnel se sente à l’aise et reparte avec un bénéfice.


Une fois le cadre posé, il faut aller à la rencontre des psychologues intéressés, questionner leurs pratiques, leurs besoins, ce qu’ils peuvent apporter au groupe. Dans la mesure du possible, nous avons voulu évoluer dans un groupe avec des professionnels de différentes formations où chacun pourra partager les spécificités de sa pratique : population / pratique institutionnelle / pratique libérale…


Avec mon associée, nous avons échangé avec beaucoup de professionnels pendant plusieurs semaines. Il a fallu réfléchir à l’organisation pratique : Tous les professionnels habitent ou exercent dans la région parisienne, alors où se rencontrer pour arranger tout le monde ? A quelle fréquence est-ce utile et réalisable ? Quel sera le coût ? Qui a la charge de l’organisation pratique ?


L’Intervision implique un échange régulier ; nous avons alors décidé de les favoriser en mettant en place drive, groupe Facebook et conversation groupée. Une fois les psychologues rassemblés, nous avons choisi tous ensemble les dates et lieux de nos rencontres.


Pour trouver les salles et les proposer aux membres, nous avons fait un gros travail de recherche en fonction des lieux d’habitation et d’exercice de chacun. Puis, nous avons contacté de nombreux espaces disposant de salles de réunions louables à l’heure (site de réservation en ligne, salle de réunion en co-working, salle de réunion d’entreprise ouverte à la location…).


Il est vrai que la gestion courante peut prendre du temps mais avec une bonne organisation, cela est simple et vaut le coup !


Comment se déroule une séance ?


Nous nous rassemblons toutes les trois semaines pendant 2h30 environ. La première partie est dédiée aux études de cas. Un membre expose un cas qui le met en difficulté, on se questionne tous ensemble pour trouver comment aider notre confrère en fonction des spécificités du patient, des contraintes et des ressources dont dispose le professionnel. Hélène et moi avons choisi de proposer un temps durant chaque séance pour des questions plus larges sur notre profession, notre positionnement de psychologue, notre organisation du temps de travail… C’est-à-dire, tout ce qui fait partie de notre métier mais qui ne relève pas de la prise en charge thérapeutique.


Qu’est-ce que cela m’a apporté ?


L’Intervision m’a permis de me constituer un réseau professionnel de confiance. Grâce à cela, je peux orienter des patients si besoin, recevoir des conseils thérapeutiques de qualité et être soutenue par des psychologues en dehors de mon établissement d’exercice. J’ai découvert de nouvelles méthodes thérapeutiques auxquelles je n’étais pas sensibilisée, et j’ai enrichi mes connaissances psychopathologiques. Grâce à la remise en question régulière de mes pratiques professionnelles, ma clinique s’est développée et j’ai gagné en confiance professionnelle.


Avoir un réseau actif de psychologues me permet aussi d’avoir accès à plus d’informations. 8 paires d’yeux sont plus efficaces qu’une seule ! Nous échangeons sur les conférences, colloques, nouvelles vidéos diffusées, postes à pourvoir…


Trouver des membres de qualité et d’investissement égaux est une difficulté qui pousse souvent à diminuer le nombre de membres ou bien à diminuer le niveau d’exigence souhaité. Dans notre cas, nous avons choisi de prendre le risque d’avoir moins de membres. Il s’est avéré finalement que rencontrer des psychologues qui partagent nos valeurs a été relativement simple et très satisfaisant !



Le point de vue de Danaë Holler, membre du groupe d’Intervision :


Ce qui m’a motivée à rejoindre le groupe d’Intervision :


J’ai rejoint le groupe dès sa création, car j’avais une forte envie de faire partie d’un groupe de jeunes diplômés psychologues pour parler de ma pratique clinique et exposer mes difficultés. C’était inconcevable de débuter ma carrière sans supervision. J’ai cherché des superviseurs sur Paris, mais les tarifs m’ont vite refroidie… De plus, j’ai toujours préféré une réflexion de groupe qu’un échange dual.


Ce que le groupe m’a apporté :


L’Intervision m’a apporté un énorme étayage pour ma pratique clinique en institution, mais également pour mon installation en libéral. La richesse des échanges ont fait évoluer mon positionnement professionnel. J’apprécie tout particulièrement le haut niveau de connaissance clinique de l’ensemble du groupe et la confiance mutuelle que les membres se témoignent.


La rythmicité et le contenu des séances me correspondent totalement. Au-delà d’apprendre à faire confiance rapidement, c’est ma propre confiance en moi professionnelle qui s’est renforcée.


Echanger avec des psychologues qui ne sont pas directement enlisés dans vos problématiques institutionnelles ouvre le champ des possibles.  La qualité des échanges m’a agréablement surprise et j’ai tout de suite senti le grand investissement de chacun. Cela m’a grandement motivée ! Il me semble crucial que chacun s’investisse à part égale, pour que la dynamique du groupe ne soit pas déséquilibrée.


J’apprécie également qu’une place soit accordée pour les sujets d’actualité concernant la santé psychique. Récemment, nous avons pu débattre à propos du remboursement des consultations psychologiques. Cela permet, en plus des études de cas et des problématiques institutionnelles, de questionner son positionnement de psychologue autrement.


Nous avons également mis en place des « moments conférences » (apéro psy ouvert à tous) sur des thématiques qui nous tiennent à cœur. Cela permet de rencontrer d’autres professionnels et d’échanger autour de concepts précis. De plus, j’ai découvert les difficultés d’organiser ce type de rencontre et l’importance de la communication interprofessionnelle.


Pour finir, je dirai que le groupe d’Intervision m’a permis de découvrir d’autres cliniques et d’autres approches. Bien que notre groupe s’inscrive dans une approche intégrative, notre parcours et nos formations sont divers. J’ai ainsi pu découvrir l’approche systémique auprès des plus jeunes, alors que mes centres d’intérêts convergent plutôt vers la clinique du trauma et de la douleur en gériatrie.


Les difficultés que j’ai rencontrées :


J’ai eu du mal à me rendre disponible, car je suis très active. Heureusement, l’horaire tardif me convenait bien.

J’ai eu peur de ne pas faire assez confiance pour me livrer sur des problématiques institutionnelles mettant parfois à mal mon positionnement.

Il y a plus d’avantages que qu’inconvénients à rejoindre un groupe d’Intervision !


BILAN après une année d’Intervision :


Je n’ai aucun regret. J’attends chaque séance d’Intervision avec beaucoup d’impatience. Au-delà d’échanger avec des professionnels de grande qualité, j’ai aussi rencontré des personnes particulièrement agréables en qui j’ai profondément confiance. J’ai hâte de poursuivre les séances et d’évoluer avec les membres du groupe.