Documentaire: « Mémoires de sauvageons », de Sylvie Gilman

Adolescence et délinquance

« C’était en 1950. Un foyer est créé à Vitry-sur-Seine, un foyer de semi liberté pour accueillir 20 à 30 mineurs. Jeunes en dan­ger, ou jeunes car­ac­tériels ayant com­mis des actes de délin­quance. Très vite, le foyer de Vitry, par sa philoso­phie, ses méth­odes, va devenir un cen­tre à part. Sous l’impulsion de son directeur, Jo Finder, il se veut un lieu d’épanouissement et de lib­erté.
Stanis­las Tomkiewicz, psy­chi­a­tre à la renom­mée inter­na­tionale vien­dra y tra­vailler pen­dant 23 ans au nom d’une cer­taine vision de l’homme.
Pour lui, un jeune agres­sif est d’abord un jeune qui souf­fre. Il faut donc l’aider à se réc­on­cilier avec lui-même grâce à des moyens d’expression comme le dessin, la photo, le socio­drame… grâce aussi à la psy­chothérapie. Plus tard arrive le cinéma. Les jeunes écrivent des his­toires, se fil­ment.
Pen­dant 30 ans, plus de 300 jeunes sont passés par Vitry. C’est leur his­toire que nous racon­tons. L’histoire de mal par­tis qui arrivent quelque part. »

 

Le 9 septembre 2017, Utopsy faisait sa rentrée en invitant Jo Finder au lieu-dit autour de la projection du documentaire « Mémoire de sauvageons ». Sauvageons, c’est le terme qu’emploie Jean Pierre Chevènement pour désigner les jeunes délinquants en 1999, notamment lors de ses vœux à la presse, en réaction à une manifestation: « La police a mieux à faire qu’à tirer par les pieds les adeptes du sit-in… On la demande dans les quartiers chauds, là où de jeunes sauvageons brûlent la voiture de leurs voisins. On a besoin partout des policiers. » 

Les propos de Nicolas Sarkozy, en 2005, en sont peut-être un écho, lorsqu’il promettait de « nettoyer au karcher » la cité.

C’est contre cette vision répressive que se positionne Jo Finder et dans cet esprit qu’il oriente le foyer qu’il dirige à Vitry de 1950 à 1983. Il surprend les jeunes arrivant au foyer en s’intéressant à ce qu’ils sont et non à leurs symptômes, c’est-à-dire à leurs bêtises.

 

« Jo Finder et Stanislas Tomkiewicz avec l’équipe du CFDJ développent de nombreux outils pratiques et théoriques comme le sociodrame, le photodrame, le vidéodrame. S’inscrivant dans la lignée de l’ordonnance de 1945, le foyer de Vitry postule que les institutions doivent s’adapter au public qu’elles accueillent. Le pari de l’équipe du foyer est de partir de la singularité et de la créativité des jeunes pour les amener à faire avec la société sur un mode qui leur soit propre. Ils organiseront « l’enterrement de la médiocrité » dans les rue de Vitry, seront à l’initiative de nombreux films, articles et musiques. Durant ces trente-cinq ans d’existence des centaines de jeunes quitteront les chemins de « la délinquance juvénile » pour faire dans la vie, à partir de leur créativité. Certains deviendront à leur tour éducateurs. Le foyer établira un lien de travail et de recherche avec une unité INSERM. Dans ce cadre, une catamnèse sera réalisée et montrera qu’environs 70% des jeunes accueillis n’ont plus eu de problèmes avec la justice.

Dans le contexte où l’ordonnance de 1945 est largement remise en cause (rapport Varinard, rapport de l’INSERM etc.), où les services de la protection judiciaire de la jeunesse sont mis à mal depuis une dizaine d’années par les effets du « new public management », où les centres éducatifs fermés sont apparus en 2002, où les enfants sont désormais considérés comme des « mineurs » dont l’âge de responsabilité menace sans cesse de diminuer (mise en place d’une commission sur « la psychiatrie des mineurs » plutôt que sur la pédopsychiatrie), il nous semble important de nous pencher sur les expériences vivantes – qui ont fonctionnées à partir de paradigmes humains – soutenant à travers les liens affectifs qu’ils ont créé avec les adultes l’émancipation des jeunes par eux-mêmes. »

 

Ce documentaire et le débat qui a suivi sa diffusion éveillent de nombreuses questions.
Tout d’abord, l’implication et l’engagement que présente Jo Finder, présent et disponible 7 jours sur 7 et tous les jours de l’année dans cette institution qu’il porte et dirige – et qui peut nous faire penser à l’engagement de Jean Oury à La Borde ou à d’autres. Cette position peut-elle encore être soutenue? Est-elle transmise comme un possible quand on parle de neutralité, au mieuX bienveillante, du psychologue dans nos enseignements?
Autre questionnement apporté lors de la discussion, celui de la place de l’empathie et de l’amour dans la relation entre soignants ou éducateurs et les jeunes. Jo Finder explique joyeusement que, dans son foyer, pas de sanction ou de morale; par contre, il pouvait – ce qu’il considère comme la pire des punition, et ce que confirment les anciens du foyer – faire la gueule aux jeunes. Autrement dit, leur retirer son amour.
Enfin, et cela pourrait faire l’objet de recherches et d’un autre article, Jo Finder parle de sa méthode thérapeutique, qui passe par le rêve éveillé dirigé. Cette technique, dans laquelle le patient est invité à produire un scénario onirique que le thérapeute prend en note, engage le patient à voir, vivre et verbaliser.

Le documentaire est à voir et revoir en VOD, en suivant le lien ci-dessous,

Pour voir le documentaire « mémoire de sauvageons » de Sylvie Gilman