Les premières étapes


UN PSY + UN PAYS = UNE EXPERIENCE PAR DELA LES FRONTIERES. Vous connaissez l’expression « le monde est petit », sachez que j’ai eu l’occasion de la vérifier à travers ma rencontre avec Sarah! Notre consœur est originaire de Dijon (ma ville natale) et prépare son installation professionnelle en tant que psychologue en Norvège.

Ce tour du monde des psy a pour objectif de documenter et éclairer sur ce que peut être la pratique professionnelle de la psychologie ici et ailleurs. Si vous exercez dans un autre pays que la France métropolitaine, écrivez-moi à [email protected], avec Psycogitatio nous nous ferons un plaisir de partager votre témoignage.


Notre psy

Sarah Sbouai, psychologue

Salut les psychogitateurs !

Je m’appelle Sarah, je suis originaire de Dijon et vis a Oslo depuis maintenant deux ans. A la fin du lycée et certainement comme beaucoup d’entre vous, je m’interrogeais sur le métier que j’aurais envie d’exercer plus tard.  

Trois choix très différents se dégageaient alors : guide interprète, clerc de notaire et … psychologue! Le premier, pour faire voyager et raconter des histoires incroyables à des touristes assoiffés d’évasion… Le deuxième, parce qu’on m’a dit qu’après un bac littéraire le droit restait la seule option sérieuse ! Et enfin le troisième, pour soigner ces blessures invisibles qui n’en sont pas moins douloureuses… (on est quand même pas hyper loin du guide-interprète non plus !) 


Sa formation migratoire


Islande - le lac Jokulsárlon , dans le sud

Après ma première année de Master en Psychopathologie clinique, psychologie de la sante et psychothérapie à l’Université de Bourgogne, je m’envole pour l’Islande et m’offre un break (nécessaire après le stress et la pression du parcours clinique, n’est-ce pas ?) via le Service Volontaire Européen. 


Un an de bénévolat dans une maison de retraite à Reykjavik, me fait réaliser à quel point cette première expérience de vie à l’étranger m’a enrichie. Le phénomène d’acculturation, l’apprentissage de l’anglais,  un cercle amical multiculturel avec des copains du monde entier, la perte de repères et création de nouveaux, la raideur du climat et l’étrangeté de cette nouvelle culture aux personnes indépendantes et réservées m’ont plus que challengé. Ces montagnes une fois dépassées, un goût prononcé pour l’aventure était né…


A la suite d’un premier stage de Master 1 en psychiatrie infanto-juvénile, je rejoins un CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) pour mon TER de dernière année qui m’offrira par ailleurs mon premier Cdd en tant que psychologue clinicienne. (oulah, pardon pour tous ces acronymes !)


Une expérience à la PJJ (ça continue…Protection Judiciaire de la Jeunesse) dans un Centre Educatif Fermé me fera découvrir l’univers de la délinquance adolescente, avec toute la complexité de la clinique institutionnelle mise à mal par l’agir, la violence et donc la difficulté de faire équipe, penser l’accompagnement de ces jeunes.  


Japon - Récolte de feuilles de thé dans le village de Kasahara

Si ce poste fut formateur, la jeune psychologue que j’étais (et suis encore !) quittera alors le CEF dans lequel elle se sentait impuissante et sa psychanalyse lacanienne en cours, pour un bénévolat agricole au fin fond de la campagne japonaise. 


Trois mois de vie communautaire avec l’association Sansonjuku qui entre autre vise à aider les paysans à maintenir leurs récoltes, plantations de the, riz, rakyos dans une campagne désertée par les jeunes générations, m’offrira un nouveau shoot d’expatriation et d’exotisme. 


Avant de m’envoler finalement pour la Norvège et réaliser pour de bon que j’avais juste envie de vivre à l’étranger, j’ai retrouvé à mon retour du Japon un « remplacement tour du monde » (tiens, tiens !) d’un an dans le CSAPA qui m’avait fait débuter, cette fois-ci dans un service dédié au traitement des addictions sans substances comme les jeux d’argents, l’achat compulsif, le gaming etc. 


Mais pourquoi la Norvège me direz-vous ?


Je pourrais vous énumérer toutes les qualités de ce pays et vous donner des exemples concrets de ce que j’apprécie ici. Par exemple:

  • cette association entre un fort libéralisme économique et une politique sociale incroyable ; ou encore le fait que:
  • ca soit le pays du prix Nobel de la paix 
  • quasi tous les automobilistes s’arrêtent pour te laisser passer même quand t’es pas sur le passage piéton
  • quand tu perds un truc à un endroit tes chances de le retrouver sont de 98% 
  • l’écart entre les salaires les plus hauts et les plus bas soit le plus faible du monde
  • quelques kms de métro plus tard tu te retrouves dans un paysage de Game of Thrones
  • tu croises autant de papas avec des poussettes que de mamans
  • les norvégiens choisiront toujours plus les compliments plutôt que la critique 
  • et qu’à 16h ta journée de travail se termine.

Néanmoins, non, mon envie de déménager en Norvège reposait plus sur une envie de nouveauté, d’aventure et de challenge personnel au pays des fjords que sur un choix raisonnable ! Je vous rassure, jusqu’ici, aucun regret.       


Son intégration norvégienne


Après quelques mois de chômage et des cours en ligne de norvégien (pas de profs de norvégien à Dijon, vous pensez!) je rejoins l’Université d’Oslo en tant qu’étudiante de norvégien langue étrangère, ce qui me donnera accès à un logement étudiant et ce sans difficultés particulières ! Le coût de la vie ici étant cher, voir très cher (99 couronnes norvégiennes – kr – la pinte soit 9,35 € !!!), les avantages étudiants possibles jusqu’à 35 ans sont les bienvenus…


Une annonce postée à la va-vite sur un groupe facebook m’offrira mon premier job à Oslo, à savoir, nounou à domicile, « Dagmama » pour deux petits anges en attente de crèche. Oui, ici en Scandinavie les parents bénéficient d’un arrêt parental de presque un an qu’ils se partagent à leur guise avec tout de même l’obligation pour le papa de prendre trois mois ! Tout cela en percevant leurs revenus à taux plein bien-sûr.


Comment devenir psy en Norvège


Parallèlement à ce premier job, je décide de faire valider mon titre de psychologue par les autorités de la santé, le Helsedirektoratet, qui après trois mois de traitement de mon dossier me délivrent une licence temporaire qui me permettra de remplir les exigences imposées. Il m’est en effet demandé d’effectuer un stage supervisé de 6 mois en psychiatrie adulte.


La formation du psychologue clinicien en Norvège est de 6 ans. C’est le parcours « Profesjonsstudiet », différent d’un parcours classique de maitrise en psychologie, qui donne le titre et l’autorisation d’exercer comme clinicien. Si les critères de sélection varient d’une université à l’autre, celles-ci se basent depuis 2020 sur les résultats scolaires du lycée qui, la filière étant très prisée, doivent être excellents.   


Au fil de mes rencontres avec d’autres psychologues étrangers j’ai compris que le statut du psy différait du statut français. En effet, ici la place du psychologue est très importante et la sante psychique est autant considérée que la sante somatique. Par exemple en psychiatrie, seul deux professionnels ont le droit de signer et valider ce qu’ils appellent les « plans de traitement », le médecin ou le psychologue. L’association des psys de Norvège, Psykologforening, écrit d’ailleurs sur sa page web qu’à l’étranger le psy n’est que « l’assistant du médecin », à méditer…


Au cours de sa carrière, le psychologue norvégien pourra ensuite choisir de se spécialiser (en clinique adulte, infantile, addictologie, neuropsychologie, psychothérapie etc…) via cinq ans de formation continue délivrée par la Psykologforening. Il deviendra alors « psychologue spécialiste ». Ah oui, j’oubliais, le salaire… 570 000 kr (53 754,50 €) et plus en tant que spécialiste.

La demande d’autorisation coute environ 2000 kr mais la traduction certifiée d’un certain nombre de documents (diplômes, attestation de stage, contrats de travail…) sale quelque peu la note !


Les premiers pas vers le métier de psy en Norvège


A l’heure où je vous écris je n’ai encore pas commencé ce stage mais je travaille comme « miljøterapeut » intérimaire (un équivalent de notre travailleur social) dans deux centres de réhabilitation pour usagers de drogue.


Après avoir répondu à quelques offres, via internet, sans entretiens à la clef, je décide de démarcher directement les centres d’addicto en allant serrer des mains avec mes quelques mots de norvégien. En une semaine, deux centres me rappelaient pour me proposer d’être « ekstravakt » chez eux. Ici dans le médico-social, ces « employés volants » sont très présents pour compléter les effectifs des équipes. La Norvège étant riche elle peut se permettre de payer des formations, des arrêts maladie pour un rhume et remplacer ses employés. Bon, vous me direz, être un bouche-trou n’est pas ce qu’il y a de plus valorisant, mais la compensation financière et la flexibilité proposée (libre à toi de dire oui ou non à la garde demandée) fait parfaitement passer la pilule.  


Aussi, le pays et finalement la Scandinavie se caractérisent par ce qu’on appelle la « flatstruktur », un management à l’horizontal dans lequel tout le monde se tutoie, prends des initiatives et ou « commander », « donner des ordres » est très mal venu ! Oui, les valeurs protestantes et la « Janteloven » n’y sont sûrement pas pour rien.  Ici c’est l’union et la confiance qui font la force !  


Allez encore quelques mois pour perfectionner mon norvégien et je me lance à la recherche de ce stage ! Souhaitez – moi bonne chance…


Pour sauter le pas




Retrouvez les pays que nous avons déjà parcourus :

Photos fournies par Sarah